Le monastère

 

 

À une besogneuse discipline assujetti,

il n’est personne, il ne paraît, ne vit et ne prospère.

Déchaux dans une dure argile, avec un sayon nu,

la ceinture humiliée par des boules de lierre...

 

Prosterné dans ses murs de rigueur et de respect,

ni l’avalanche ni la peste, il ne craint que le diable ;

comme un chien sourcilleux lui seul mord son secret,

dessous son capuchon de pierre centenaire.

 

Dans les cloîtres humides il s’immole jour et nuit

pour ce monde d’ingrats qui lui lance un reproche...

Immobile ermite sans geste et sans parole,

 

dans sa tête nichent corbeaux et hirondelles,

des chèvres lui arrachent ses cheveux de mousse

et, miséricordieuses, le couvrent les glycines.

 

 

 

Julio HERRERA Y REISSIG,

Les extases de la montagne, 1904.

 

Recueilli dans Introduction à la poésie ibéro-américaine,

Présentation et traduction par Pierre Darmeangeat

et A.D. Tavares Bastos, Le Livre du Jour, Paris, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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