Les colères de l’homme

 

 

                               À d’Aurevilly

 

 

N’avez-vous pas, penché sur la misère humaine

Et voyant que le mal est plus fort que le bien,

Que jamais le repos ne finit la semaine

Et que le plus riant des bonheurs ne vaut rien ;

 

N’avez-vous pas, devant l’injustice sauvage,

Et n’ayant jamais vu le Maître de céans,

N’avez-vous pas voulu finir votre esclavage

En renversant le monde au fond des océans ?

 

N’avez-vous pas rêvé le dernier des désastres,

Pour voir le dénoûment du drame solennel ?

N’avez-vous pas éteint le soleil et les astres

Pour ensevelir Dieu sous son trône éternel ?

 

N’avez-vous pas voulu qu’une pluie odorante

Vînt laver à jamais tout le sang répandu ?

N’avez-vous pas rêvé la flamme dévorante

Des volcans, pour brûler l’Univers éperdu ?

 

Oui, vous avez voulu ne plus voir sur la terre

Que les fleurs du néant, aux sommets périlleux,

Comme on voit les pâleurs de la pariétaire

Sur les murs ruinés des palais orgueilleux.

 

Mais quand nous avons tous rejeté les calices,

Si deux yeux veloutés nous parlent doucement,

Nous disons que la terre est un lieu de délices

Et nous remercions Dieu de ce rêve charmant !

 

 

 

Arsène HOUSSAYE.

 

Paru dans Poésie, 11e volume

de l’Académie des muses santones, 1888.

 

 

 

 

 

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