La marche au supplice

 

 

La première heure allait finir quand de la geôle

Jésus sortit, portant une croix sur l’épaule ;

On avait délié les cordes du poignet ;

Ayant été battu de verges, il saignait ;

On le huait ; la loi frappe, le peuple accable ;

La croix, démesurée, écrasante, implacable,

Dont la cognée à peine avait taillé les nœuds,

Étant faite d’un bois féroce et vénéneux

Et qui semblait avoir déjà commis des crimes.

 

La foule, allant, courant, mangeant les pains azymes,

Chantant, montrait les poings à Christ, des deux côtés

De la route où tremblaient ses pieds ensanglantés ;

Des vierges, reflétant l’aube sur leur visage,

L’insultaient, et battaient des mains sur son passage,

Et riaient des cailloux déchirant ses talons ;

Et Christ marchait voyant des têtes d’enfants blonds

Aux portes des maisons, pour la fête fleuries.

 

Quelques disciples, fronts baissés, les trois Marie,

Sa mère, le suivaient de loin dans le trajet.

 

L’œil sinistre de Jean dans le ciel noir plongeait.

Le jour, blême, fuyait. L’attente était profonde.

 

Quatre anges se tenaient aux quatre coins du monde ;

Ces anges arrêtaient au vol les quatre vents,

Pour qu’aucun vent ne put souffler sur les vivants,

Ni troubler le sommet des montagnes de marbre,

Ni soulever un flot, ni remuer un arbre.

 

 

 

Victor HUGO, La fin de Satan.

 

 

 

 

 

 

 

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