Gueuleton paysan

 

 

Le porche massif

Ouvre ses battants ;

En selle, à traîneaux

Entrent les amis.

Le maître et sa femme

Bien bas les saluent,

Puis ils les conduisent

Vers la belle salle ;

Face au Saint Sauveur

Chacun se recueille.

 

Aux tables de chêne

Richement garnies,

Les bancs de sapin

Se couvrent de monde.

Chapons, oies rôties

Font crouler les tables,

Pâtés et jambon

Passent à pleins plats ;

Et parée de franges

Et de mousseline,

Notre jeune hôtesse

Aux sombres sourcils,

Tour à tour embrasse

Toutes ses compagnes,

Puis offre aux convives

Des tasses de marc.

Son époux la suit

Portant vin nouveau

Qu’il offre à ses proches

En jattes gravées,

Tandis que leur fille,

Douce jouvencelle,

Régale chacun

D’hydromel exquis.

 

Tous boivent, tous mangent,

Les propos se croisent –

Sur le blé, les foins,

Sur le bon vieux temps :

Comment Dieu fait-il

Pour mûrir nos blés ?

Comment par les steppes

Le foin peut verdir.

 

Tous boivent, tous mangent,

Depuis l’heure brune

Jusqu’à minuit.

Les coqs du village

S’appellent entre eux ;

Dans la salle obscure

Les voix se sont tues.

Les roues dans la neige

Du porche ont viré.

 

 

 

Alexeï Vassilievitch KOLTSOV.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,

choix, traduction et commentaires de Jacques David,

Stock, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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