La fête des morts

 

 

J’aime quand l’hiver point,

Le soir de la Toussaint,

Et que la bise chasse

Les feuilles, que les plantes sont brûlées

Par le givre commençant ;

Quand la terre se dépouille

De sa verdure, de sa joie ;

Quand, seulette, dans son coin,

La fleurette solitaire

Qui brille dans la muraille,

Du soleil fille tardive,

Guette son dernier baiser.

 

Quand l’oie voyageuse

Quittant son causse estival

De son cri rauque rappelle

Son bataillon qu’elle forme en troupe

Comme un coin, contre le vent ;

Quand des loups l’œil étincelle ;

Quand le grillon bavarde,

Hiverné dans le cendrier du four ;

Quand la veillée se prolonge ;

Quand la famille, ravivée

Par la piquette et les châtaignes rôties,

Fait le cercle autour de la crémaillère ;

 

De la lune rendue trouble

Quand l’argent semble de l’étain ;

Quand la chouette, qui s’oublie,

Du clocher s’enfuit et crie ;

Quand l’angélus fait tan tan ;

À l’heure où la prière

Fait rentrer dessous la terre

Tous les esprits de l’enfer,

Le fantasti trouble-fête,

Et le gripé jambe leste,

Et la roumèque sans tête,

Pourchassés par un pater ;

 

Quand seul dans mon ermitage,

Je chauffe mes pieds endormis

Par l’hiver qui fait tapage,

Un peu par l’hiver de l’âge,

En rêvant de mes amis :

De mes amis, hélas

Que la faux du grand moissonneur

Éclaircit à mon entour :

J’aime alors, j’aime cette heure

Où la cloche, la cloche pleure

Comme la tourterelle veuve,

Dès que le jour disparaît.

.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   

 

 

 

LA FARE-ALAIS.

 

Traduit de l’occitan par F. Donnadieu.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie occitane,

choix, traduction et commentaires

par André Berry, Librairie Stock, 1961.

 

 

 

 

 

 

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