CRÉPUSCULE

 

 

COMME un homme las le soir s’est assis

Le long des sillons, le long des chemins,

Comme un homme las qui songe indécis

La tête penchée entre ses deux mains.

 

Les splendeurs du jour ont fait leur voyage,

Les rêves des nuits préparent leur voile :

On voit défaillir le dernier nuage,

On voit palpiter la première étoile.

 

Dans le grand repos tout tombe et s’endort,

Branches des pommiers, rameaux des buissons ;

Chaque front s’incline et le soleil d’or

Descend d’arbre en arbre au ras des gazons.

 

L’horizon s’emplit de formes plus vagues

Et tout, dans sa brume, oscille et chavire :

Les guérets mouillés paraissent des vagues,

Chaque toit penchant paraît un navire !

 

L’église, aux reflets du soleil couché,

Dresse sa tour blanche et son clocher noir

Où s’ébat encor, tout effarouché,

L’oiseau qu’a surpris l’angélus du soir.

 

Sur son piédestal, la Vierge plus pâle

Tient plus mollement son enfant de pierre ;

Devant l’Occident aux lueurs d’opale

Elle semble aussi baisser sa paupière ;

 

Et, seul sur sa croix, le Christ incertain

Courbe son front lourd de plus en plus bas :

Sans doute, il entend des voix au lointain...

Mais le passant passe et ne le voit pas.

 

 

 

Émile LANGLOIS.

 

Paru dans La Sylphide en 1898.

 

 

 

 

 

 

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