L’hiver

 

ROMANCE (1)

 

 

D’un noir manteau se couvre la nature.

L’azur du ciel se dérobe à nos yeux ;

Et, de nos bois moissonnant la parure,

J’entends souffler l’aquilon furieux.

Du froid Verseau tout ressent l’influence,

L’hiver s’approche. Ô vous que je chéris !

Sous votre chaume, en priant pour la France,

Autour du feu, serrez-vous, mes amis.

 

Fuyez les grands ; et, méprisant leur rage,

Paisiblement, loin du fracas des cours,

Laissez, laissez sur eux gronder l’orage :

Du malheureux il respecte les jours.

Le cœur joyeux et riche d’espérance,

De sentiments restez toujours unis ;

Et chaque soir, en priant pour la France,

Autour du feu serrez-vous, mes amis.

 

Libre jadis, du sort bravant l’outrage,

Votre bonheur sur mon luth fut chanté ;

Mais aujourd’hui, flétri par l’esclavage,

Le bruit des fers étouffe ma gaîté.

Loin de verser des pleurs sur mon absence,

Chantez plutôt mes refrains favoris ;

Et chique soir, en priant pour la France,

Autour du feu serrez-vous, mes amis.

 

En attendant que les destins sévères

De ma prison me laissent voir le seuil,

N’oubliez pas que les hommes sont frères,

Et des partis évitez bien l’écueil.

Prêchant partout la douce tolérance,

Qu’à vos banquets l’indigent soit admis ;

Et chaque soir, en priant pour la France,

Autour du feu serrez-vous, mes amis.

 

 

 

Isidore-Simon LEFÈVRE.

 

Paru dans les Annales romantiques en 1826.

 

 

 

 

 

1. L’auteur était prisonnier lorsqu’il fit cette romance.

 

 

 

 

 

 

 

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