Prière pour les patries

 

 

 

DIEU, dont l’unité indivisible renferme une infinie richesse,

Dieu qui avez marqué votre œuvre du sceau de votre ressemblance ;

Dieu, qui avez voulu que le monde exprimât votre unité par l’universalité des lois qui le régissent, et qu’il exprimât la fécondité de votre être par la variété de ses splendeurs ;

Vous avez fait de la terre un ensemble merveilleux de beautés diverses, qu’encadre la voûte d’un même ciel ;

Vous avez créé l’harmonie du golfe de Naples et la grâce des coteaux florentins ;

Vous avez créé la grandeur monotone et désolée des plateaux castillans ;

Vous avez donné le cèdre aux monts du Liban et le bouleau aux plaines slaves ;

Vous avez donné à l’Écosse des colonnes de basalte, et vous avez fait ruisseler des cascades sur les parois des fjords norvégiens ;

Des glaciers de la Suisse vous avez fait une couronne de diamants au front de l’Europe, et Vous avez répandu du charme et de l’intimité sur les vallons de la Thuringe ;

Vous avez inondé de lumière les monts dénudés de la Grèce, et Vous avez donné à l’Amérique la majesté des grands fleuves ;

Et Vous avez donné à notre pays d’être comme un résumé du monde, car il a, comme la Suisse, des glaciers et des torrents d’eau grise, et des bois de mélèzes ;

Et comme l’Italie, il a des collines parfumées que le soleil baigne, et des orangers dans ses jardins ;

Comme les pays du Nord il a des bois de pins dans la mélancolie de ses landes, et, comme l’Angleterre, des rocs battus par la houle de l’Atlantique ;

Et de plus, il a la grâce infinie des vallées de la Bourgogne et du Périgord, avec des ruisseaux clairs que bordent les peupliers et les saules ;

Et les clochers de l’Île-de-France, sur le penchant des collines, au milieu des vergers, et les allées de tilleuls qui entourent les châteaux des bords de la Seine ;

Et nulle part Vous n’avez si étroitement serré l’alliance de l’homme avec la terre, car nulle part Vous n’avez fait la terre plus semblable à une personne.

Dieu, qui avez épargné à votre œuvre la tristesse d’une uniformité monotone, et qui avez voulu que l’amour du sol natal fut le fondement solide de l’esprit national ;

Protégez les magnificences qui sont votre œuvre, et faites que l’homme, égaré ou avide, ne rompe pas l’équilibre de la création en abattant l’arbre, en tarissant le ruisseau, en détruisant l’animal ;

Faites qu’il ne bouleverse pas le monde comme un tyran capricieux et cruel, mais qu’il l’administre comme un sage économe ;

Et conservez dans le cœur de tous les hommes le culte jaloux du pays où ils sont nés ;

Mais gardez surtout à nos fils l’amour simple et profond de la terre de France.

 

 

 

Claude LEFILLEUL,

dans: Philippe Gonnard,

Réflexions et lectures de Claude Lefilleul,

Lecoffre-Gabalda, 1919, p. 220.

 

Recueilli dans Devant Dieu,

anthologie de la prière chrétienne,

par Pierre Richard et Bernard Giraud,

Éditions Xavier Mappus, 1948.

 

 

 

 

 

 

 

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