Pater Noster

 

 

Notre Père des cieux, Dieu grand, je vous adore.

Vous avez fécondé l’insondable néant.

Vous, l’éternelle vie et l’éternelle aurore,

Vous planez glorieux sur le gouffre béant

De cette éternité dont l’idée épouvante.

Notre savoir est vain. L’âme la plus savante

Ne sait pas, ô mon Dieu ! louer votre pouvoir.

Vous lancez, chaque jour, des soleils dans l’espace,

Mais votre main se cache, et l’humanité passe

            Dieu puissant, sans vous voir.

 

Que votre nom, Seigneur, soit dans toutes les bouches !

Qu’il soit sanctifié ! Qu’on le dise à genoux !

Il éveille l’amour dans les âmes farouches ;

Au pauvre délaissé qui pleure parmi nous,

Il apporte un rayon d’espérance et de joie.

C’est l’hosanna béni que notre monde envoie,

Dans les roses matins et dans les tièdes soirs,

À tous ces mondes d’or qui brillent sur nos têtes,

Comme sur nos autels brillent, aux jours de fêtes,

            Les divins ostensoirs.

 

Dieu, manifestez-vous. Que votre règne arrive !

Les peuples ont besoin de justice et de paix.

Vaisseaux désemparés, ils vont à la dérive ;

L’erreur les a couverts de ses brouillards épais.

Faites luire sur nous votre vérité sainte ;

Réveillez en nos cœurs une amoureuse crainte ;

Que nos fronts prosternés désarment votre main !

Régnez dans le palais, régnez dans la chaumière !

Que le damné d’hier, plein de votre lumière,

            Soit le saint de demain !

 

Que votre volonté soit faite sur la terre !

Père, qu’elle y soit faite ainsi que dans le ciel !

Alors l’homme, plus humble et soumis au mystère.

Boira sans murmurer à la coupe de fiel.

La charité croîtra dans l’âme des superbes,

La bouche n’aura plus de reproches acerbes,

L’apôtre portera, de l’aurore au ponant,

Aux peuples aveuglés la divine parole,

La foi couronnera d’une auguste auréole

            Le monde rayonnant.

 

Et, puisque tu le veux, notre voix t’en supplie,

Donne-nous, ô Dieu bon ! le pain de chaque jour.

Et pour que notre tâche à tous soit mieux remplie,

Bénis nos fronts mouillés. Le ciel est ton séjour,

Mais partout ici-bas ton pouvoir se révèle.

Dore les lourds épis de la moisson nouvelle,

Pour que le laboureur, à l’hiver, n’ait pas faim.

Donne, à l’ouvrier pauvre, et donne au misérable ;

Donne à tous, et nos cœurs, ô Maître secourable !

            Sauront t’aimer sans fin.

 

Pardonnez-nous, Seigneur, nos offenses sans nombre,

Comme nous pardonnons le mal qui nous est fait.

Vous le voulez ainsi. Votre amour n’a point d’ombre

Et la loi du pardon est un divin bienfait.

J’ai souffert l’injustice et j’ai caché ma peine,

Mon âme révoltée étouffera sa haine,

Et je consolerai l’homme dans l’abandon.

Celui-là dira-t-il notre Dieu trop sévère,

Qui sait comment, un jour descendit du calvaire

            Le suprême pardon ?

 

Sur cette terre étrange où tout homme doit vivre,

Il est, vous le savez, plus d’un secret danger :

L’amour trouble nos cœurs, la gloire nous enivre,

On se plaît en soi-même, on aime à se venger.

Tous cherchent le bonheur. La coupe où l’on s’abreuve

Devient, en se vidant, le creuset de l’épreuve,

Où donc trouver enfin la consolation ?

Vous nous voyez soumis. Pour qu’on ne désespère,

Ne nous induisez point, ô Seigneur, notre Père,

            Dans la tentation !

 

Délivrez-nous du mal qu’il faut haïr et craindre...

Spectre qui nous poursuit, hideux ou séduisant,

Qu’on voudrait pourtant fuir, et qu’on tente d’étreindre,

Qui nous charme et nous livre au remords trop cuisant !

Délivrez-nous du mal... ! Des lâches et des traîtres

Qui vendent la patrie, ou la traitent en maîtres,

De l’oubli des devoirs, du mensonge subtil,

Des fléaux de la terre et des fléaux de l’onde,

De tout ce qui corrompt ou désole le monde...

            Ainsi soit-il !

 

 

 

Pamphile LEMAY.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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