Beata Beatrix

 

 

                                À la mémoire du Dante

 

 

Quand vous étiez un Songe de l’amour,

Quand vos yeux comme l’huile neuve

D’un feu riche et doré faisait envie au jour,

                De quel bonheur étiez-vous veuve,

Dont l’ombre sous vos pas étendait son velours?

 

Les plus arrogants n’osaient d’un murmure

Avouer leur subit émoi,

Les plus sages pensaient que la haute envergure

D’un souvenir, captait la foi

De votre jeune vie intacte et sans fissure.

 

Car l’être épris d’inaccessible azur,

Laisse parler sa nostalgie.

Il n’est d’amour que transpercé d’un glaive pur,

Et souvenir ou prophétie,

Le fruit de l’espérance, ici, n’est jamais mûr.

 

Devant la beauté, chacun fait silence,

Un appel secret parle au cœur

D’une mystérieuse et chaste ressemblance,

D’une glorieuse douceur,

Dont l’âme ne perçoit que la phosphorescence.

 

Mais un signe l’atteint, qui force à croire

À l’énigme de l’Au-delà,

La Beauté, ce témoin de lumière et de gloire,

                En son silencieux éclat

Offre le seul repos qui soit une victoire.

 

Quand l’Homme chante, Dieu l’écoute.

S’il poursuit sa cruelle route

Et chante encore en son chemin,

Dieu même le tient par la main.

Si l’Homme exalte la lumière,

Elle illumine la poussière,

Mais quand il chante, dans sa nuit,

La colonne de feu conduit

Ses pas douloureux vers la Voie

Qui s’ouvre à jamais sur la Joie.

 

 

 

 

Hedwige LOUIS-CHEVRILLON,

Les îles du soir, collection

« Points et contrepoints »,

Éditions de la Revue moderne,

Paris 1972.

 

 

 

 

 

 

 

 

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