Louis de Poissy

 

 

Dans sa robe très longue et sans plis, où la taille

Se modèle, on dirait un grand lys, et voici

Ce qu’avant de l’instruire à gagner la bataille,

Dit Blanche de Castille à Louis de Poissy.

 

« Mon beau cher fils aimant, Dieu sait si je vous aime ;

Mais le parfait amour que j’ai pour vous est tel

Que je préférerais vous voir mort ici même,

Que coupable, un seul jour, d’un seul péché mortel.

 

Que nous donne en effet cette vie éphémère

Si nous sommes, beau fils, morts à l’éternité ?

Sauver de tout péril notre corps est chimère,

Si notre âme est perdue et n’a rien mérité.

 

Suivez donc, beau cher fils, la route qu’a suivie

Mon époux, expirant pour Dieu plus que pour moi.

Sachez pour vivre au ciel renoncer à la vie

Et bon sergent du Christ, observez-en la loi. »

 

Et Louis de Poissy, quand il fut roi de France,

Craignit la lèpre moins que le péché maudit.

À Vincennes, à Massoure, en triomphe, en souffrance,

Il n’oublia jamais ce que Blanche avait dit.

 

Cette mère héroïque, ô mon fils, c’est la tienne :

À toi-même, elle tient, elle aussi, ce discours.

Sa foi, sans l’endurcir, affermit la chrétienne,

Mais ce n’est pas sans pleurs qu’elle obéit toujours.

 

Quand les femmes de Sparte, en remettant leurs armes

À de stoïques fils, stoïquement conçus,

Disaient aux froids adieux sans craintes et sans larmes,

« Partez et revenez avec... ou bien dessus » ;

 

Ce courage impassible a pu ravir la Grèce,

Mais il apparaît sombre et farouche aujourd’hui

Où la mère, aussi ferme avec plus de tendresse,

En pleurant son enfant sait se priver de lui.

 

 

 

Edward MONTIER, Idéale jeunesse.

 

Recueilli dans Poètes de la famille au XXe siècle, Casterman.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net