Qu’est-ce que la vie ?

 

 

Je demandais un jour à l’un de ces vieillards,

Dont la pâle figure et les sombres regards

Accusent la souffrance et l’amère ironie,

S’il pouvait m’expliquer ce simple mot : la vie ?

Courbant sa tête blanche, il dit en soupirant :

« La vie est une scène où le pauvre et le grand

Luttent pour obtenir l’honneur et la richesse ;

Quelques rayons d’amour, de joie et de tristesse ;

Des efforts pour saisir un brillant lendemain ;

Une flamme qui luit et disparaît soudain ;

Un flot que le torrent caresse, agite, emporte ;

Une rose qui naît et bientôt sera morte ;

La vie est ce chemin qui commence au berceau,

Et qu’on a parcouru lorsqu’on touche au tombeau !

L’homme croit au bonheur, et depuis son enfance,

Pour l’atteindre, il travaille, use son existence ;

Mais au lieu du bonheur il trouve le trépas,

Et devient ce limon qu’on foule sous nos pas... »

 

                                    *

                                *      *

 

Si le néant était le terme de la vie,

Dieu, lui, dis-je, serait un infâme génie.

Comment ! nous serions tous destinés à souffrir,

À vivre sans espoir et sans espoir mourir ?...

Votre vie est affreuse : elle est la mort de l’âme ;

Car l’âme juste espère en Dieu qui la réclame.

 

                                    *

                                *      *

 

Plus ému que content des paroles du vieux –

Paroles qui blessaient mes sentiments pieux –

J’abordai sur la route un homme au doux visage,

Un homme dont l’esprit me parut droit et sage,

Et je lui demandai, d’un ton respectueux,

De résoudre pour moi le problème épineux.

 

Une lueur d’espoir éclaira sa figure,

Et, s’inclinant, il dit d’une voix mâle et pure :

« La vie est pour connaître et servir le Seigneur,

Recevoir sa doctrine avec joie et douceur,

Imiter les vertus du Christ – divin modèle –

Afin de vivre un jour de sa vie immortelle.

 

« La vie est un foyer qu’alimente la foi ;

Un livre où le Seigneur a buriné sa loi ;

Un creuset où notre âme, au feu de la souffrance,

S’épure et sent grandir en elle l’espérance.

Il vit, l’homme qui sait ses crimes pardonnés,

Il entrevoit du ciel les justes couronnés ;

En mourant au péché, son âme se délie

Et recouvre aussitôt la véritable vie.

Vivre enfin, ici-bas, c’est souffrir et lutter ;

Vivre aussi, c’est le Christ ! mourir, c’est triompher !

Notre corps, je le sais, est tiré de la terre,

Et doit, après la mort, redevenir poussière ;

Mais l’âme – souffle pur sorti du cœur de Dieu –

Quittera pour toujours ce misérable lieu ! »

 

Ah ! s’il faut vivre ainsi, lui dis-je, je veux vivre !

Vivre sous les regards de Celui qui délivre

L’âme de sa prison pour la conduire au port ;

Oui, je veux triompher du vice et de la mort !

 

 

Samuel MOORE.

 

Traduit de l’anglais par J.-B. Caouette.

 

Paru dans Les voix intimes, J.-B. Caouette, 1892.

 

 

 

 

 

 

 

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