À l’horloge du temps

 

 

À l’horloge du temps l’aiguille marche vite !

Soyons tout au bonheur quand le bonheur s’invite

Et cherche à s’emparer gaîment de notre cœur ;

Oublions les soucis, les désirs impossibles,

Et laissons s’écrouler les châteaux invisibles

Qu’enfante notre esprit dans un rêve moqueur.

 

Jouissons du présent quand le présent se dore ;

N’appelons pas la nuit pour retrouver l’aurore,

L’aiguille marche vite à l’horloge du temps !

Et l’heure qui s’en va peut n’être pas suivie

De l’heure qui résonne au cadran de la vie ;

La mort peut fuir l’hiver pour chercher le printemps.

 

À l’horloge du temps l’aiguille marche vite !

Humble ou grand, riche ou pauvre, aucun de nous n’évite,

Par un jour plus heureux, un moins noir lendemain ;

La hauteur à son flanc garde le précipice

Où la fortune entraîne en changeant de caprice,

Précipice que l’humble ignore en son chemin.

 

Rire et pleurer, pour tous, est une loi suprême !

Ah ! plaignons qui nous hait ! chérissons qui nous aime !

La bonté fait le fond de nos meilleurs instants.

Dans le duel incessant entre le corps et l’âme,

Le bonheur incertain ne jette qu’une flamme ;

L’aiguille marche vite à l’horloge du temps !

 

Rien de parfait, pour l’être, en ce monde où nous sommes !

C’est pourquoi Dieu, songeant aux souffrances des hommes,

Les laissant ici-bas seuls maîtres de leur sort,

Puissant, tendit son bras qui remplissait l’espace,

Et, d’un geste clément, sans mesurer la place.

Sema l’égalité dans l’amour et la mort !

 

 

 

Berthe NORDEZ.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1893.

 

 

 

 

 

 

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