Aimez !

 

 

Aimez bien vos amours ; aimez l’amour qui rêve

Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux,

C’est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,

Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

 

Aimez l’amour qui joue au soleil des peintures,

Sous l’azur de la Grèce, autour de ses autels ;

Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,

Ou qui vide un carquois sur des cœurs immortels.

 

Aimez l’amour qui parle avec la lenteur basse

Des Ave Maria chuchotés sous l’arceau ;

C’est lui que vous priez quand votre tête est lasse,

Lui, dont la voix vous rend le rythme du berceau,

 

Aimez l’amour que Dieu souffla sur notre fange,

Aimez l’amour aveugle, allumant son flambeau,

Aimez l’amour rêvé qui ressemble à notre ange,

Aimez l’amour promis aux cendres du tombeau !

 

Aimez l’antique amour du règne de Saturne

Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,

Qui suspendait, ainsi qu’un papillon nocturne,

Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

 

Car c’est lui dont la terre appelle encore la flamme,

Lui, dont la caravane humaine allait rêvant,

Et qui, triste d’errer, cherchant toujours une âme,

Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

 

Il revient : le voici : Son aurore éternelle

A frémi comme un monde au ventre de la nuit,

C’est le commencement des rumeurs de son aile,

Il veille sur le sage, et la Vierge le suit.

 

Le songe que le jour dissipe au cœur des femmes,

C’est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,

C’est ce Dieu. C’est ce Dieu qui tord les oriflammes,

Sur les mâts des vaisseaux et les faites des toits.

 

Il palpite toujours sous les tentes de toile,

Au fond de tous les cris et de tous les secrets,

C’est lui que les lions contemplent dans l’étoile ;

L’oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts !

 

La source le pleurait car il sera la mousse,

Et l’arbre le nommait car il sera le fruit,

Et l’aube l’attendait, lui, l’épouvante douce,

Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

 

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,

Aimez l’amour, riez ; aimez l’amour, chantez !

Et que l’écho des bois s’éveille dans la roche,

Amour dans les déserts, amour dans les cités !

 

 

 

Germain NOUVEAU, Savoir aimer, 1904.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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