Memorare

 

 

Souvenez-vous, Vierge Marie :

On dit que nul ne s’est perdu

De tous ceux dont la voix vous prie

Au milieu des flots en furie ;

Chacun est sûr d’être entendu.

 

Mère de notre Divin Maître,

Souviens-toi : le Dieu de Sion

Aime un pécheur courant se mettre

Quelque coupable qu’il puisse être,

Sous ta sainte protection.

 

De Ploërmel à Mitylène,

Sur le forum, au sein des cours,

Dans les monts, les bois et la plaine,

Fût-ce une âme de crimes pleine,

Nul n’implore en vain ton secours.

 

Nul, dans les soucis d’une fête,

Dans un deuil, pressant ou pressé,

Ne t’a murmuré sa requête,

Sans qu’au mouvement de sa tête,

NOTRE-SEIGNEUR l’ait exaucé.

 

C’est pourquoi, plein de confiance,

Comme un lévite du saint lieu,

Vers Votre église je m’élance...

Je cours... mais, halte-là !... je pense

Que j’ai beaucoup offensé Dieu.

 

J’ai fait à Dieu d’horribles guerres.

Vers Vous courent impunément

Ceux qui sont doux, comme à leurs mères,

Mais à Vous, si je ne vaux guère,

Je marche ainsi qu’au jugement.

 

Je sens mes chairs devenir blêmes ;

Je quitte un peu de mon orgueil ;

Mes yeux se sont baissés d’eux-mêmes,

Aux fantômes de mes blasphèmes ;

Je foule en tremblant votre seuil ;

 

J’ose à peine franchir la porte ;

Je chancelle au passé récent

D’ordures folles que je porte...

Serait-ce votre voix ? « Qu’il sorte ! »

Je me retire en gémissant.

 

Il me semble qu’on me rappelle ;

Je rentre, je tombe à genoux.

Je courbe ma tête rebelle.

Vous si pure ! ô Vierge très belle !

Excusez-moi. Pardonnez-nous.

 

Ne méprisez pas la prière

Que je balbutie à moitié ;

Mère du Verbe de lumière,

Du haut de votre sanctuaire,

Daignez l’entendre avec pitié !

 

Que jamais plus dans sa Géhenne

Le Diable, au pied de son autel,

Ne nous attache avec sa chaîne.

Préservez nos cœurs de la haine,

Nos âmes du péché mortel.

 

Exaucez-nous, ô Notre-Dame !

Nous qui vous prions pour les morts,

Et pour le salut de notre âme

Qui craint la plus petite flamme

Ne pouvant brûler que le corps !

 

Je vois qu’aux fleurs, comme aux estampes,

Vous préférez les cils mouillés,

Aux chandelles, sinon aux lampes,

Le jeûne qui pâlit les tempes,

Et les genoux humiliés.

 

Je veux inscrire sur ma liste

Celle qu’insulta mon dédain,

La Pénitence ardente et triste,

La même que Saint Jean Baptiste

A montrée aux bords du Jourdain.

 

Je ferai Quatre-Temps, Vigiles,

Tout le Carême en sa rigueur ;

Comme un chrétien des Évangiles,

J’enchaînerai mes yeux agiles

Ne levant au Ciel que mon cœur.

 

Je m’infligerai des supplices

Avec ma corde au nœud serré,

Ma discipline et mes cilices ;

Je dois faire aussi mes délices

Des rires que j’exciterai.

 

Si quelque affreux crachat qui passe

Vient à tomber près de mes pieds,

Ma langue en boit jusqu’à la trace :

Ceux qui sont empreints sur Sa Face

Seront-ils jamais expiés !

 

Pour que Votre Fils nous arrache

Avec le flambeau de sa Foi

À l’ombre où le pécheur se cache,

Pour que l’heure de sa cravache

Nous trouve rangés sous sa Loi.

 

 

 

Germain NOUVEAU.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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