Prière au Christ

 

 

 

Nous avons besoin de Toi seul autre et de nul autre. Seul Toi qui nous aimes, Tu peux avoir pour nous tous qui souffrons la pitié que chacun de nous éprouve pour soi. Tu peux seul sentir combien est grand, immensément grand le besoin de Toi en ce monde, en cette heure du monde... Tous ont besoin de Toi, même ceux qui t’ignorent ; bien plus ceux qui l’ignorent que ceux qui le savent. L’affamé croit chercher du pain, il a faim de Toi ; l’altéré s’imagine qu’il veut de l’eau et il a soif de Toi ; le malade a l’illusion de désirer la santé et son mal est l’absence de Toi. Qui en ce monde cherche le Beau, Te cherche Toi, sans le savoir, Toi qui es la Beauté entière et parfaite ; celui qui lit dans ses pensées poursuit le Vrai, Te poursuit Toi, Qui est l’unique Vérité digne d’être connue et celui qui tend les bras vers la Paix, les étend vers Toi qui es la seule paix où puissent reposer les cœurs. Ils t’appellent sans savoir qu’ils t’appellent et leur cri est indiciblement plus douloureux que le nôtre.

 

Nous, nous ne crions pas ton nom pour la vanité de voir ton visage comme le virent les Galiléens et les Juifs ; ni pour la joie de regarder tes yeux, ni avec l’orgueil fou de te vaincre par notre supplication. Nous ne demandons pas, nous, la grande venue dans la gloire du ciel, ni la lumière de la Transfiguration, ni les trompettes des Anges et toute la sublime liturgie du dernier jour. Nous sommes si humbles, tu le sais, dans notre présomption tapageuse ! Nous ne voulons que toi, ta personne, ton pauvre corps troué dans sa chemise d’ouvrier pauvre. Nous voulons voir ces yeux qui traversent la chair, qui guérissent quand ils blessent de leur courroux, qui font saigner quand ils regardent avec tendresse. Et nous voulons entendre ta voix qui épouvante les démons et charme les petits enfants...

 

Nous avons aujourd’hui, en tes journées malignes, en ces années qui sont un amoncellement d’horreur et de douleur, nous avons besoin, sans retard, d’être sauvés. Si tu étais un Dieu jaloux et acrimonieux, un Dieu qui tient rancune, un Dieu vindicatif, un Dieu seulement juste, tu n’accueillerais pas notre prière. Tout ce que les hommes pouvaient te faire de mal – plus après ta mort que durant ta vie – ils te l’ont fait ; nous tous nous te l’avons fait... Mais tu as pardonné tout et toujours. Tu sais, toi qui as vécu parmi nous, le fond de notre nature malheureuse.

 

Nous te prions donc, Christ, nous les renégats, nous les coupables, nous qui sommes nés hors de notre heure, nous qui nous souvenons encore de toi et nous efforçons de vivre comme toi, bien que toujours trop loin de toi ; nous les derniers, nous les désespérés, revenus des périples et des précipices, nous te prions de redescendre encore une fois parmi les hommes qui te tuèrent et qui te tuent chaque jour, pour nous rendre à tous, meurtris dans les ténèbres, la lumière de la vraie vie.

 

 

 

Giovanni PAPINI, Vie de Jésus, Payot.

 

Recueilli dans Devant Dieu,

anthologie de la prière chrétienne,

par Pierre Richard et Bernard Giraud,

Éditions Xavier Mappus, 1948.

 

 

 

 

 

 

 

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