Fantaisies de lune

 

 

(À Muriel, par amitié je dédie...)

 

 

La lune s’est drapée dans un manteau tout blanc

Pour dormir sur l’épaule d’une nuit d’argent ;

Et son sommeil est agité de frêles feux

Qui chorégraphient dix mille arabesques bleues.

Les étoiles vont glisser sur ses joues glacées

Et, dans leurs danses folles, lui chatouiller le nez.

Les millions de clins d’œil de leurs prunelles sages

Font à la lune un riche et brillant maquillage.

 

Le vent vient casser ses rêves de cliquetis,

Ouvrir en passant ses yeux de belle endormie.

Puis la lune s’étire et refait son visage ;

Elle taquine en baillant les cheveux des nuages.

Sur ses lèvres, un sourire efface la misère ;

Elle flatte l’horizon et caresse la terre,

Pour piquer au déclin des amours clandestines,

Un rayon azuré de couleur capucine.

 

Quand la nuit a fermé les paupières du jour,

Que les étoiles ont réveillé l’astre d’amour,

Les rêves sont peuplés de brillants coins de lune

Qui éclairent, en jouant, le mirage des dunes.

Mais la lune fracasse la beauté des songes

En déroulant sur eux son écharpe d’ombre.

Ils vont sommeiller dans les bras du souvenir

Pour imprimer en lui un bonheur sans soupir.

 

Dans toutes les soirées habillées de silence,

La lune se cache pour frémir de souffrance

Car elle est jalouse du bonheur des humains.

Elle voudrait, comme eux, se gorger d’amour divin,

Emprunter au soleil tous ses rayons dansants

Pour donner la chaleur à tous les cœurs d’enfants.

Elle voudrait courir pieds nus dans les champs de blés

Et valser sans arrêt dans les tiges dorées.

 

Elle voudrait se bercer sur les crêtes bleues

Tout comme un voilier filant vers les ports heureux.

Elle voudrait chanter la cantilène des eaux

Et puis, pouvoir pleurer sur le bord des ruisseaux.

Si elle pouvait, la lune irait dormir sous bois

Ou elle courrait s’enfouir sous l’oreiller d’un roi.

Et, si elle pouvait, elle irait au fond des puits

Afin de boire l’odeur et la fraîcheur des nuits.

 

Mais si Dieu a piqué la lune au firmament

Et l’a faite si belle avec ses rayons d’argent,

C’est qu’Il a voulu qu’au déclin de chaque jour

Elle inspire aux humains la montée de l’amour.

Et Dieu a voulu que les regards vers le ciel

Puissent refléter la louange des merveilles.

Ainsi, la lune est le seul visage du monde

Qui soit sans rides dans les gerçures de l’onde.

 

 

 

Isabelle PIERRE.

 

Paru dans Crescendo,

Union canadienne des jeunes écrivains,

Éditions Nocturne, 1963.