À l’église

 

 

Avec le peuple, ami de l’ancienne observance,

J’entre à la vieille église où, dans ma douce enfance,

Je voyais s’incliner mon père plein de foi,

Où ma mère venait toujours prier pour moi,

Où, joyeux de servir près de l’autel rustique,

Je chantais posément quelque simple cantique,

En m’unissant aux voix des jeunes compagnons,

Avec qui, revêtus de blanc, nous balancions

Les vapeurs de l’encens, lentement dissipées.

Je trouve maintenant ces places occupées

Par d’autres, et, ravis en de libres essors,

D’autres enfants, heureux comme j’étais alors,

Chantent à pleine voix des cantiques de fête...

À ce charme ingénu que leur âge reflète,

À ces frais souvenirs d’un espoir enchanté,

La douleur plonge en moi son fer ensanglanté,

Moi qui pleure en mon âme autrefois réjouie,

L’enfance la plus chère, hélas ! évanouie,

Atteinte dans sa fleur par l’affreux coup mortel !

Voilà que, maintenant, des marches de l’autel

Le prêtre se détache avec ses acolytes,

Portant dévotement entre ses mains bénites

L’ostensoir d’or qui vient, de gloire environné,

Passer parmi les rangs du peuple prosterné ;

Et les enfants de chœur aux regards d’innocence,

Devant le dais sacré que leur main pure encense,

Et les hommes pieux, tenant de clairs flambeaux,

S’avancent au dessus des dalles des tombeaux,

Et l’ostensoir brillant de ses rayons de fête,

Et le prêtre qui marche en inclinant la tête,

S’approchent, et l’hostie est là contre mes yeux,

Dans la blanche clarté d’un orbe radieux,

Jetant sur la douleur empreinte à mon visage

Tout l’éblouissement de son divin passage !...

Ô Dieu de mon enfance, ô vous, Dieu de douceur,

Qui venez de nouveau là tout près de mon cœur,

Secourez-moi ! donnez à ma peine cruelle

La pleine vision de la vie éternelle !

J’aspire et je gémis : accordez-moi l’espoir

Et la force jusqu’au délice du revoir !

Donnez-moi de passer bien vite sur la terre

Pour m’enfuir vers l’enfant, là-haut dans le mystère !

 

 

 

Charles de POMAIROLS.

 

Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,

poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,

Bruges, Librairie de l’Œuvre Saint-Charles, 1937.

 

 

 

 

 

 

 

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