Ainsi parlait notre frère, le voyageur

 

 

Tu aimeras Dieu,

Mais tu fuiras les images de Dieu.

 

Il n’y a rien au ciel,

Ni soleil, ni étoile, ni lune,

Qui le puisse représenter.

 

Il n’y a rien non plus sur terre

Ou sur mer ; rien dans la montagne,

Dans la forêt, dans l’âme humaine.

 

Tu aimeras Dieu,

Sans trouver jamais la juste prière ;

Et sans pouvoir balbutier une parole

Que la révélation illumine.

 

Tu aimeras Dieu,

Sans que résonne un écho dans ton cœur

Et même ton amour, dans le feu de l’extase,

Ne saura pénétrer l’ombre de Dieu.

 

Tu aimeras Dieu,

Et ta grande passion débordera

Sur les autres hommes

Et les tendres bêtes de Dieu.

 

Tu aimeras Dieu,

Et prieras toute la vie

Dans l’espérance de le voir et de l’entendre ;

Puis tu mourras. Et quand tes yeux ne verront plus,

Que tes oreilles n’entendront plus,

Tu t’en iras vers Lui ; tu t’en iras vers Dieu.

 

Mortes ta joie et ta douleur ;

Morts tes désirs ; mort ton amour,

Tu entreras, ignorant, silencieux,

Dans l’ombre de Dieu.

 

 

Pedro PRADO.

 

Traduit par E. Noulet.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie ibéro-américaine,

Choix, introduction et notes de Federico de Onis,

Collection UNESCO d’œuvres représentatives, 1956.

 

 

 

 

 

 

 

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