Les tombes de lumière

 

 

On ne les verra pas en lentes théories

Escorter leur douleur vers les champs de repos,

Ceux dont les êtres chers sont morts pour la Patrie

Sur les Champs de victoire où saignent les drapeaux.

 

On ne les verra pas, les mères frissonnantes

D’avoir vécu dans la terreur des nuits d’effroi,

Les épouses, les sœurs, les filles, les amantes,

Sangloter leur misère au pied des humbles croix.

 

Car les soldats qui sont tombés sous la mitraille

N’ont jeté qu’un seul cri vers le Ciel et vers nous :

La mort les a couchés au hasard des batailles

Et nous ne savons pas où plier les genoux.

 

Et nous ne savons pas vers quelle terre sainte,

Pèlerins anxieux, acheminer nos pas,

Vers quel appel, vers quel espoir, vers quelle étreinte

Lever les yeux, hausser le cœur, tendre les bras !

 

Certes la tombe est vaine où le corps en détresse

Avec son rêve et sa ferveur s’est abîmé,

Mais les buis et les fleurs sont encor des tendresses

Dont nous berçons jalousement le bien-aimé...

 

Mères, ne pleurez pas, ne pleurez pas, amantes,

Et ne regrettez plus la tombe sans éclat

Où vous inclineriez vos prières dolentes :

Il fallait mieux qu’un marbre obscur à ces soldats !

 

Ils reposeraient mal, après l’œuvre féconde,

Dans la fosse banale et les ais d’un cercueil,

Ces héros et ces preux qui sauvèrent le monde

Et dont le monde enorgueilli porte le deuil.

 

Le silence qui gît au cœur des cimetières

Ne saurait enfermer leur cœur prodigieux.

Il faut à ces grands morts la terre tout entière

Et le bruit des vivants sous la voûte des Cieux...

 

Mais Dieu qui fut témoin de leur geste sublime,

Vers qui fougueusement clama leur sang vermeil,

Dieu, qui sait tous les noms des héros anonymes,

Sait aussi le secret de leur dernier sommeil.

 

Il ne laissera pas lamentables et nues

Les glèbes dont le sein s’est ouvert aux Vainqueurs

Et, toutes les saisons, les tombes inconnues

Connaîtront la caresse et la grâce des fleurs.

 

Et ce ne seront pas des tombes oubliées,

Les tombes de lumière où dorment nos enfants

Car, pour l’éternité des siècles triomphants,

La Tendresse et la Gloire y sont agenouillées...

 

 

 

1er novembre 1918.

 

Ernest PRÉVOST, L’Âme inclinée.

 

 

 

 

 

 

 

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