À Nérée Beauchemin

 

 

                                    I

 

Fidèle à ton labeur discret, vivant symbole !

tu ne l’as pas caché dans le sol, sans profit,

ce don sacré qu’un jour de largesse te fit

le Maître du trésor – et de la parabole.

 

Mais, pareil au parfum que filtre la corolle,

une harmonie exquise et tenace, en dépit

du mondial vacarme, a monté, sans répit,

de la strophe sonore où chante ta parole !

 

Aussi, lorsque le Temps nous aura, dans son flot,

charrié vers l’oubli comme fétus sur l’eau,

avec nos petits bruits de rire et de sanglot,

 

tu survivras vainqueur !.. Car, la grande Patrie

de ta PATRIE INTIME orgueilleuse et fleurie,

baise encor ton bouquet matinal, attendrie !..

 

 

                                    II

 

Penché sur la souffrance, ô médecin, orfèvre

de ce bijou si cher qu’est notre cœur humain,

alors qu’interrogeant le pouls, scrutant la fièvre,

tu recules la mort d’un geste de la main,

 

c’est toi l’Espoir ! – Docteur, reviendrez-vous, demain ?...

Ah ! la rime folâtre est bien loin de ta lèvre,

poète, après un cas d’appendice ou de plèvre,

lorsque de ton logis tu reprends le chemin !...

 

Cependant, ô client du ciel ! la Poésie

te prescrit, à son tour, cent grammes d’ambroisie,

pour ton cœur – et le nôtre – élixir enivrant !

 

Et, croyant que tout vient d’En haut, source absolue,

ton chant remonte !... Or, c’est pourquoi je te salue,

chrétien sans dol, deux fois apôtre et trois fois grand !

 

 

                                                                          Novembre 1928.

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,

Montréal, Éditions du Devoir, 1931.

 

 

 

 

 

 

 

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