À la cathédrale de Chartres

 

 

J’aperçus de très loin tes flèches élancées

À l’horizon laiteux, comme deux mâts perdus,

Sur le flot des épis, mollement balancées

Dans l’immobilité d’un voyage éperdu.

 

J’avançai pas à pas, découvrant ta rosace

L’envol harmonieux de ton clocher ancien

Et le choix des atours enjolivant la masse

Que cisela longtemps l’humble artiste chrétien.

 

Un fugitif instant, échappée à ma vue,

Tu revins m’éblouir de ton plus vif éclat ;

Je suspendis les pas d’une marche imprévue

L’esprit abandonnant quelque intime débat.

 

Ne pouvant d’un seul trait en absorber l’ensemble,

Je laissai mon regard errer, du grand portail

Où Jésus dans sa gloire évoqué pour les humbles,

Livre sa vie ardente aux mystiques détails.

 

Au trône où resplendit la Vierge secourable

Tenant sur ses genoux le divin Enfant-Roi,

Sujet traité sans cesse et sans cesse adorable,

Puis sur la galerie où s’alignent les rois

 

– Comme respectueux, le doigt feuillette un livre –

La légende survit dans ce pieux décor

Et le savant retrouve un mystère à poursuivre :

L’étrange Vierge Noire et le Puits des Saints-Forts.

 

Dans l’ombre gigantesque où mon âme s’exhale

Brûlant ma lèvre close, un monstrueux secret

Rebondit sourdement de dédale en dédale

Aux replis ignorés de mon être inquiet

 

Et si je viens ici pour adorer la Vierge,

Pour implorer les Saints, faire brûler des cierges,

Mon cœur, comme ta dalle, abrite un lieu païen,

Captif à tout jamais de l’étrange lien.

 

 

 

Marie-Paule REGUA.

 

Recueilli dans Le blason des poètes, Anthologie

du Syndicat des Journalistes et Écrivains,

établie par Maurice Delorme,

Éditions de la Revue moderne, 1965.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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