Chant d’effroi

 

 

Je T’ai vu, et je vis la splendeur essentielle

de la forme, de la lumière, de la grâce et de la vie.

Je T’ai vu, et je vis la fragilité tressaillante de l’éphémère

vêtue de la force et de la suffisance miraculeuse de l’Éternel.

 

Je T’ai vu, et tombant du ciel jusqu’à moi

je vis un éclair fulgurant qui frappait d’étonnement de vertige et de mort

ma destinée sans chemins

et pour toujours aveuglait mes yeux sur la terre.

 

Je T’ai vu, et j’ouvris mon cœur jusqu’alors muet et fermé,

je voulus élever à ta hauteur ce chant d’anxiété et d’exaltation :

Mais ma voix marte, étranglée en moi,

et mon cœur haletant, se sont arrêtés

parce que je T’ai vu, et Te voyant je vis en Toi

la profonde, la grave expression des choses sans bornes qui ne vivent et qu’on n’atteint

qu’au-delà du temps, de la vie et de la mort.

 

 

 

Abgar RENAULT, Inédit.

 

Recueilli dans Introduction à la poésie ibéro-américaine,

Présentation et traduction par Pierre Darmeangeat

et A.D. Tavares Bastos, Le Livre du Jour, Paris, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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