SOUS LA PLUIE

 

 

« Seigneur, je me suis mis sous l’averse et j’écoute

Le rebondissement des gouttes sur la route...

L’eau glisse sur mes mains, mes épaules, mes yeux,

C’est un baiser glacé, subtil, délicieux ;

C’est comme une innombrable, une liquide foule ;

Ah ! c’est votre bonté, votre grâce qui coule

Sur la terre qui s’ouvre afin de l’accueillir...

Dès qu’ils l’ont vu venir, nous avons vu pâlir

Les horizons, les champs, les murs, les routes blanches ;

Les oiseaux recueillis se sont tus dans les branches,

Et le grand vent lui-même arrêta son élan ;

Seigneur, vous voulez bien qu’après l’été brûlant

Octobre épanche ainsi sa promesse féconde ;

Vous voulez bien ainsi purifier le monde

Par cette eau de vos cieux toujours prête pour nous...

Parmi cette eau, mon Dieu, je me mets à genoux,

Je n’ai point de manteau... Mais c’est ma sœur la pluie

Qui m’enveloppe, et mon frère le vent m’essuie...

Je vais rester ainsi jusqu’à ce que je sois

Aussi chargé d’amour, d’indulgence et de foi,

Quand le soleil voudra briller sur mon attente,

Qu’un rameau ruisselant de l’averse éclatante ;

Seigneur, je voudrais être une herbe sous cette eau,

Un arbre sous ce vent montant toujours plus haut

Vers le ciel où serein, vous brillez dans l’espace...

Mais si je dois rester dans la région basse,

Je veux, baignant mon âme en votre vérité,

Buvant l’eau de l’hiver ou le feu de l’été,

Dans la joie ou le deuil chanter comme une lyre,

Car les pleurs sont à vous aussi bien que le rire,

Car l’hiver est à vous comme l’été vermeil,

Car la pluie est à vous ainsi que le soleil... »

 

 

 

                                           Émile RIPERT, Le Poème d’Assise.

 

                                           Paru dans La Muse française en 1922.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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