Les marins de l’Espérance
À bord du vaisseau « l’Espérance »
Peu nombreux sont les matelots,
Mais, pleins d’une mâle assurance
Ils bravent les vents et les flots ;
Car sur cette mer incertaine,
Terrible, même en sa faveur,
Ils ont choisi pour capitaine
Christ, le Sauveur.
Le navire est frêle ; les voiles
Parfois s’affaissent tristement.
Et souvent aussi les étoiles
S’effacent dans le firmament ;
Mais ni l’inconnu, ni la peine,
Ne découragent leur ardeur
Car ils ont pour leur capitaine
Christ, le Sauveur !
À leurs yeux, la terre nouvelle
De loin brille dans les beaux jours ;
Mais, devant la pauvre nacelle,
Il semble qu’elle fuit toujours.
Cependant, leur âme est sereine ;
Elle retrempe son ardeur
Dans le regard du capitaine :
Christ, le Sauveur.
Le doigt tourné vers le rivage,
Il est debout au milieu d’eux ;
Et sa voix répète : Courage !
Et l’éclair brille dans ses yeux.
Ah ! que l’orage se déchaîne,
Que la mer gronde avec fureur ;
Qu’importe ! Ils ont pour capitaine
Christ, le Sauveur !
Mais, quand des flots monte la brume.
Ils n’aperçoivent dans la nuit,
Que le sillage blanc d’écume
Qui, derrière eux, s’évanouit.
Seul, dans l’ombre, chacun promène
Son regard voilé de frayeur :
– « Montre-toi, divin capitaine,
Ô Christ Sauveur ! »
Alors resplendit dans la nue,
Une radieuse clarté ;
Alors une voix bien connue
Dit : « Pourquoi donc avoir douté ?
« C’est moi, oui c’est moi qui vous mène,
« Je suis là ; n’ayez point de peur ! »
– « Nous te voyons, ô capitaine,
Ô Christ Sauveur ! »
Et la barque vogue, poussée,
Par le vent du ciel sur les eaux.
Quand finira la traversée ?
Quand brilleront des temps nouveaux ?....
– Aujourd’hui, marins, à la peine !
Demain, vous serez à l’honneur,
Car vous avez pour capitaine
Christ, le Sauveur !
R. SAILLENS.
Paru dans L’Espérance en juillet 1880.