Les étoiles filantes
À l’heure où Dieu sur l’homme incline
Le rideau constellé du soir,
Je sais des fous qui vont s’asseoir
Sur la colline.
Là, l’œil perdu dans le ciel bleu,
Les bras levés, les mains tremblantes,
Chacun aux étoiles filantes
Confie un vœu.
L’étoile monte, glisse et tombe.
Le vœu téméraire du fou
Ne l’atteint qu’au bord du gouffre où
Sera sa tombe.
Ô fous ! ignorez-vous encor
Que ces belles dévergondées
Ne sont que des mortes fardées
De flamme et d’or ?
Ces bolides vers la débâcle
Dans leur trajectoire lancés,
Les fiers soleils les ont chassés
De leur cénacle.
Combien d’âmes pourtant – ô deuils ! –
Par le feu mobile attirées,
Jettent leurs vœux, mers éthérées,
Sur vos écueils !
Combien, étincelle qui voles,
Aura séduits ton cours trompeur.
Les foyers trop fixes font peur
Aux yeux frivoles.
L’astre où va mon appel secret
Plane, immuable, dans sa sphère,
Aux éclats fuyants je préfère
Son feu discret.
L’étoile est si loin qu’elle semble
Un ver luisant au paradis ;
Et cependant elle vaut dix
Soleils ensemble.
Elle est si haut qu’il faut cent ans
À sa lumière pour descendre.
Cependant elle peut m’entendre
Et je l’entends.
Chaque soir, sa lente caresse
Revient à moi du firmament ;
Nous sommes bien tous deux l’amant
Et la maîtresse.
Et, pour l’atteindre au zénith bleu,
Mes vœux aussi montent sans doute,
Mais tout droit, tout droit, – par la route
Qui mène à Dieu !
Remy SAINT-MAURICE.
Paru dans la Revue bleue en 1907.