Vous qui voulez...

 

 

Vous qui voulez, bon cœurs, consoler la souffrance

N’arrêtez pas ici, passez votre chemin

Car il n’est plus ici d’heureuses espérances

Il n’est plus qu’un espoir, c’est de mourir demain

Et j’ai tourné les yeux vers un autre demain

 

N’arrêtez pas ici, vous trouveriez encore

La peine que longtemps vous y vîtes pleurer

Vous verriez en mon cœur l’image que j’adore

Et l’impossible amour qui veut y demeurer

 

N’arrêtez pas ici, mon cœur ne peut entendre

La consolation qui guérit d’autres cœurs

Car il a trop aimé pour guérir d’un mot tendre

N’arrêtez pas ici, respectez ma douleur

 

Mon âme a son secret et ma peine est trop fière

La vouloir consoler me serait odieux

Mon amour ne connaît qu’une longue prière

C’est que ma bien-aimée soit aimée de mon Dieu

 

Oui j’ai tourné les yeux devers une autre aurore

J’ai goûté d’amertume et j’ai pleuré des pleurs

Et j’ai dit à quoi bon la désirer encore

Cette fleur qui mourra comme meurt toute fleur.

 

Si j’ai gagné son cœur, je n’aurai pas sa vie

Cet impossible amour ne sera qu’un amour noir

Et jamais un bonheur, et mon âme ravie

Ouvrant ses faibles yeux a pensé à toujours

Oui ! j’ai tourné les yeux vers la voûte suprême

Où règne l’Espérance et de mon pauvre cœur

 

 

 

Hector de SAINT-DENYS GARNEAU, Œuvres,

édition critique établie par Jacques Brault et Benoît Lacroix,

Presses de l’Université de Montréal, 1971.

 

 

 

 

 

 

 

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