Pauvre mère

 

 

Qu’ils sont jolis, les petits enfants, quand ils commencent à peine à parler, et que, pour achever de vous dire ce qu’ils pensent, ils vous font des rires et des baisers. Tel était le tien, pauvre mère ! La rose et le jasmin mêlaient leurs couleurs sur son visage ; le jour, sur tes genoux, il remuait ses petites jambes en riant et en t’appelant « mama ! », et sur ton sein, la nuit, il s’endormait tranquille, sa menotte dans ta main.

 

Quelle peine, plus d’une fois, quel tourment et quelle douleur n’oubliais-tu pas avec un baiser sur sa joue vermeille ! Créature, si douce et si bonne, âme si tendre et si pure, enfant si beau, si bien venu, le Bon Dieu l’a voulu pour lui. Il a voulu que cette fleur terrestre, trop belle pour vivre ici bas, allât finir d’éclore dans le céleste parterre. Il a voulu que, fuyant les misères mortelles, il allât voir le pays de l’éternel bonheur, et il lui a jeté deux ailes pour s’envoler au Paradis.

 

Et maintenant, tu es là toute seule, sans un cri, sans un mouvement, comme inanimée, penchée sur un berceau ; et tes yeux sont secs d’avoir tant pleuré ce fils de ton cœur qui s’est éloigné de toi !

 

Ici bas la mort vous sépare ; mais pense, pense, pauvre mère, pour adoucir ton sort cruel et ton âme qu’emplit le deuil, que Dieu te paiera un jour tant de peine, et qu’un ange t’attend dans le ciel !

 

 

Albert SAISSET.

 

Traduit du catalan par Jean Amade.

 

Recueilli dans Anthologie catalane (1re série : Les poètes roussillonnais),

avec Introduction, Bibliographie, Traduction française et Notes

par Jean Amade, agrégé de l’Université, professeur au Lycée

de Montpellier, 1908.

 

 

 

 

 

 

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