L’enfant et le vieillard

 

 

Oh ! le lis est moins pur qu’un bel enfant candide,

Nouvellement tombé de vos mains, ô mon Dieu !

On sent bien qu’il vous quitte, et sur son front limpide

On voit la trace encor de vos baisers d’adieu.

 

Son bon ange gardien dans son âme nouvelle

N’aperçoit nul point noir : tout est blanc, radieux.

Jamais pour s’envoler l’ange n’ouvre son aile,

Et jamais il ne met la main devant ses yeux.

 

Dans le cœur de l’enfant point de lave de flamme,

Point de serpent caché qui jette son venin ;

Tout est candeur : mon Dieu ! vous faites sa jeune âme

Comme un calice d’or plein d’un parfum divin.

 

Mais l’enfant devient homme, et le vice s’éveille ;

L’ange gardien s’endort, on bien remonte au ciel ;

Sur le calice d’or rarement l’homme veille ;

Il le laisse remplir de limon et de fiel.

 

Puis il vieillit et voit ses passions éteintes ;

Il se fait pur ; sa main se lève pour bénir.

L’enfant et le vieillard, ce sont deux choses saintes :

L’un vient de fermer l’aile, et l’autre va l’ouvrir.

 

J’aime leurs cheveux blancs, j’aime leur tête blonde.

De notre pauvre terre ils ne sont qu’à moitié :

Ils ne touchent en rien aux passions du monde ;

L’un en est pur, et l’autre en est purifié.

 

Il est doux, dans les jours de doute et de souffrance,

Où l’on n’a foi qu’au vice, où l’on pleure abattu,

D’avoir un bel enfant pour croire à l’innocence,

Un père en cheveux blancs pour croire à la vertu.

 

 

 

Anaïs SÉGALAS.

 

Recueilli dans

Recueil gradué de poésies françaises,

par Frédéric Caumont, 1847.

 

 

 

 

 

 

 

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