L’incarnation du mal

 

 

Le mal ! Ce n’est pas qu’abstraction, mythe ou fantasmagorie.

Le bien n’est pas un son creux, un rêve, un fantôme.

Tout notre passé, tout ce qui pour nous s’appelle présent

Est inondé de leur sang et plein de leurs batailles.

 

On ne saurait sur la balance peser le mal et le bien,

On ne saurait prendre leurs mesures, forces et moyens nous manquent.

Il pourrait être plaisant de recourir aux traits de l’allégorie.

Mais ici à quoi bon la queue ou les griffes, Sataniel ou Moloch ?

 

L’antique légende nous a montré le mal sous des peintures diverses.

Le peuple, à sa façon, l’a figuré.

La pensée terrifiée l’a cherché dans les ténèbres,

Dans les sinuosités de la flamme, dans le tréfonds des eaux et des nuages.

 

Ici à quoi bon l’incarnation, à quoi bon ici l’apparence,

De la lente ou soudaine apparition des démons,

S’il est vrai que dans la nature entière chacun des mouvements

Est un phénomène du mal, une souffrance, une douleur, une épouvante !

 

Et jusqu’aux plus purs élans des pensées pures

Que le poison du mal frappe à mort !

Mais tous les artifices, toutes les embûches de Satan,

Combien ils semblent beaux, affables et généreux !

 

 

 

Constantin SLOUTCHEVSKI.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe

du XVIIIe siècle à nos jours, par Jacques Robert

et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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