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L’élève de mon choix, l’enfant prédestiné

En qui j’ai mis déjà mes tendresses d’ancêtre,

Ne recevra le jour que dans cent ans peut-être ;

Si présent que mon cœur le sente, il n’est pas né.

 

De même, en moi, se meurt le fantôme obstiné

D’un rimeur très ancien qui m’infusa son être,

Et plus d’un signe atteste, ô toi qui fus mon maître,

Qu’en ma chair et mes os tu t’es bien incarné !

 

Les siècles entre nous font la distance vaine ;

Ton souffle est dans mon sein, ton sang chauffe ma veine,

Ta voix par mes accents prolonge ses accords.

 

Ainsi de l’Art divin nous nous passons la flamme,

D’âge en âge, et la tombe où s’abîme le corps

N’est qu’un lit d’hyménée où l’âme enfante une âme.

 

 

 

Joséphin SOULARY.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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