Les oiseaux de passage

 

 

 

Voyez les oiseaux qui s’envolent, ils quittent en soupirant les contrées du Nord ; ils s’en vont vers les rives étrangères, et leur chant plaintif se mêle au murmure du vent. – Où nous envoies-tu, ô Dieu ? s’écrient-ils ; sur quel bord nous appelle ton message ?

Nous quittons avec inquiétude la terre scandinave. Là nous avions grandi, là nous étions heureux ; sous les tilleuls en fleurs, nous avions construit notre nid. Le vent nous berçait sur les rameaux parfumés. À présent, il faut que nous nous en allions dans les lieux inconnus.

Dans les forêts, la nuit était si belle avec sa couronne de roses, avec ses cheveux d’or ! Nous ne pouvions dormir, tant elle était belle. Nous nous assoupissions seulement dans nos voluptés jusqu’à ce que le matin vînt nous réveiller du bout de son char étincelant.

L’arbre vert étendait au large ses rameaux, versant sur les frais gazons, sur la rose tremblante, les gouttes de rosée qui brillaient comme des perles. Maintenant le chêne est dépouillé de son feuillage, la rose est flétrie. Le bruit de la tempête a remplacé le souffle léger du vent, et la riante parure de mai est cachée sous la neige.

Que ferions-nous plus longtemps dans le nord ? Chaque jour son horizon devient plus étroit et son soleil plus pâle. À quoi nous servirait de chanter ? Toute cette terre est comme un tombeau. Dieu nous a donné des ailes pour fuir dans l’espace. Salut à vous, salut, vagues orageuses de la mer.

Ainsi les oiseaux chantent en s’éloignant. Bientôt ils atteignent une contrée plus belle. Là les pampres se balancent à la cime des ormeaux, les ruisseaux gazouillent sous les branches de myrtes, et les forêts résonnent d’un chant de joie et d’espérance.

Quand ton bonheur terrestre se change en regrets, quand le vent d’automne commence à gémir, ne pleure pas, pauvre âme. Au-delà des mers, une autre contrée sourit à l’oiseau fugitif ; au-delà du tombeau, il est une autre terre dorée par les rayons d’un matin éternel.

 

 

 

STAGNELIUS.

 

Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1857.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net