« L’Angélus » de Millet

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Hector de SAINT-DENYS-GARNEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le soleil baisse ; l’azur est plein de ses derniers rayons de pourpre et d’or. C’est dans un champ spacieux et uni. Au loin d’autres champs se succèdent, couverts de hautes gerbes dorées de blé mûr. Dans le lointain brille un point d’argent, un diamant. C’est le clocher de la petite église qui reflète les rayons mourants de l’astre du jour. Maintenant, un carillon clair vient éveiller l’écho qui dormait. C’est l’Angélus qu’on sonne au village. Les cloches joyeuses tintent, et la nuée de sons s’envole, comme un nuage d’ange, vers l’infini. Les tintements, voyageant dans le firmament en flammes, viennent frapper l’oreille de deux paysans qui travaillent la terre féconde. Ils déposent la bêche et la brouette. L’homme se découvre, la femme se recueille, et l’on sent que de deux cœurs s’élève un cantique fervent et sincère à la gloire du Tout-Puissant.

Sur le fond qui s’efface dans le pâle lointain, les deux personnages, le centre, l’âme du tableau pourrait-on dire, se dégagent avec précision, et attirent à eux l’idée instantanément, sans que le regard s’attarde aux détails du paysage.

Voici à peu près l’impression que laisse ce magnifique tableau. Ce qui en fait la force et la beauté, c’est l’unité de l’objet qui attire l’attention et sa grâce douce. Voyez cette paysanne, pauvrement vêtue, la simplicité gracieuse de son attitude, la jolie ligne de son cou, de sa tête penchée. Le peintre a aussi su lui imprégner son sentiment.

La théorie de Millet est exprimée tout entière sur cette toile. Il a écrit, en parlant de son art : « Caractériser, voilà le but : mettre pleinement et fortement ce qui est nécessaire. Je professe la plus grande horreur pour les inutilités (si brillantes qu’elles soient) et les remplissages qui ne peuvent emmener que la distraction et l’affaiblissement.  »

Ce chef-d’œuvre a cette fermeté douce, cette force de mouvement et cette simplicité, qu’on retrouve dans toutes les œuvres du maître.

 

 

Hector de SAINT-DENYS-GARNEAU,

Critiques littéraires et artistiques.

 

 

 

 

 

 

 

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