Ma patrie

 

À KLOPSTOCK

 

 

 

Le cœur me le commande ! Vois, déjà plane, plein de la patrie, mon chant orgueilleux ! Plus impétueux ne s’élèvent point les aigles, ni plus retentissants les cygnes.

 

Jusqu’au rivage lointain, bruit son vol. La Baltique s’en émeut, et elle élève ses vagues tonnantes, ses flots écumants ; car je chante ma patrie !

 

Je ne crains point le courroux de la mer ; point ses abîmes, point ses montagnes : même au milieu de ses tourbillons, Stolberg chanterait sa patrie !

 

Ô terre de l’antique loyauté ! tes hommes sont remplis de courage ; ils sont doux et justes ! belles et pudiques sont tes jeunes filles ! tes jeunes gens sont les éclairs du Seigneur !

 

Sous tes toits l’honnêteté assure le lien du mariage ; innocent est le lit des tendres épouses, et féconds leurs chastes embrassements.

 

Tes vallées sont inondées de la bénédiction de Dieu ; et la joie mûrit aux ceps de tes collines ; sous la faucille des moissonneurs aux joyeuses chansons tombent avec un doux bruit tes gerbes dorées.

 

L’Allemand n’eut jamais soif de l’or lointain ; jamais il n’enchaîna d’esclaves. Toujours bouclier de l’opprimé, toujours fléau de l’oppresseur !

 

Je suis Allemand ! Coulez, larmes de joie, coulez de ce que je suis né sur la terre d’Allemagne. Encore enfant, la vertu héréditaire emplissait, exaltait déjà mon cœur.

 

Éloigné de toi maintenant, je me consacre à toi avec ce vœu, terre sacrée ! Souvent je salue ton ciel, et des soupirs, de brûlants soupirs m’emportent vers la patrie !

 

Souvent aussi mon bras plein de vigueur se porte à ma ceinture : alors quelque fantôme de sanglante bataille voltige autour de mon âme inquiète.

 

J’entends les pas des chevaux et les clairons ! Vois-moi, Klopstock, dans le sang et la poussière expirer glorieusement pour notre patrie !

 

 

 

Friedrich Leopold von STOLBERG, 1774.

 

Paru dans la Revue européenne en 1831.

 

 

 

 

 

 

 

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