Combien l’homme est vil

 

 

Ô homme, mets-toi à penser

De quoi te peux glorifier.

 

Ô homme, pense de quoi sommes,

De quoi fûmes, et où allons ;

Et en quoi nous retournerons,

Ore mets-toi à cogiter.

 

D’humaine semence es conçu,

Qui est très puante matière ;

Si te bien regardes en droit,

N’auras pas de quoi t’exalter.

 

De vile chose fus formé,

Et dans les plaintes tu es né,

Dans la misère demeuré,

Et en cendres dois retourner.

 

Vins à nous, comme pèlerin,

Tout nu, très pauvre et misérable ;

Amené dans notre chemin,

La plainte fut ton premier chant.

 

Amené dans notre pays,

N’apportas de quoi faire achats,

Mais le Seigneur te fut courtois,

Qui son bien voulut te prêter.

 

Or cherche bien ce qui est tien :

Si le Seigneur reveut le sien,

Ne te restera que le vil ;

N’as pas de quoi te rallégrer.

 

Gloire te fais du vêtement,

Qui t’habille à ton avantage,

Et tu as le cœur plein de vent,

Pour « Monsieur » te faire appeler.

 

Si la brebis reveut la laine,

Et la fleur réclame la graine,

Ton penser n’est que chose vaine,

D’où superbe voudrais tirer.

 

Regarde l’arbre, mon pauvre homme,

Combien il fait suave pomme,

Odoriférante, et vois comme

Est savoureuse à la goûter.

 

De la vigne que vois-tu naître ?

Le beau raisin que l’homme paît ;

Peu longtemps mûrir il le laisse

En naît le vin que nous buvons.

 

Homme, pense que toi, tu portes,

Des poux, beaucoup, avec leurs lentes,

Et les puces sont pauvres bêtes,

Qui ne te laissent reposer.

 

Si as orgueil de posséder,

Attends un peu, vite sauras

Ce que peux, de tout ce domaine,

À la fin sur toi emporter.

 

 

 

Jacopone da TODI.

 

Traduit de l’ombrien par Pierre Barbet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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