« Et incarnatus est »

 

 

 

Seigneur, pour moi aussi ! Elle était donc pour moi

Celle que j’avais vue aux mères tant de fois :

Cette Joie et cette couronne d’allégresse !

Seigneur à moi aussi vous en faites promesse ?

 

Moi aussi je serai la terre où vous semez ?

Le grain qui tout à coup défaille de germer,

Ce grain qui tient en lui mille graines futures,

Seigneur à moi aussi de par Votre main sûre ?

 

Ô prélude de Bach à mon cœur visité

Que les anges un jour ont eux-mêmes chanté

À celle qui tombait devant eux, titubante,

Avec sa Joie et sa détresse de servante !

 

Ce sont les mêmes mots et c’est le même effroi !

Mes mains sans le vouloir se sont jointes sur moi

Comme pour contenir tout un flux qui m’oppresse !

Seigneur à moi aussi ?... De par Votre sagesse ?...

 

Ah ! Dieu, œuvrez encore en Votre nouveauté,

Faites de toute nuit surgir toute clarté,

Que voulez-vous de moi qui n’ai rien de solide

Ni rien de tout mauvais, ni rien de tout limpide !

 

Un besoin de tout perdre et de recommencer !

Un besoin de renaître et de se surpasser !

De consacrer l’enfant de mystique tonsure

Malgré ce cœur tout à l’humaine pourriture !

 

Moi aussi ! moi aussi ! oh ! radieux secret !

Je regarde chacune et la quitte à regret

Je voudrais demander ce soir à chaque femme

Le poids ombreux de ce fruit d’amour à leur âme.

 

J’ai des mots tout nouveaux pour juger des enfants,

De doux cris puérils, des rêves triomphants !

Je le vois qui rira, et qui dans sa voiture

Aura cette attitude et cette couverture.

 

Ah ! Dieu composez-le sans fiel et sans frayeur !

Accomplissez mon corps et déchirez mon cœur

Pour que je ne sois plus qu’une vivante offrande

Au tout petit enfant dont vous me faites grande !

 

Et dépassez encor selon Vos plans à Vous

Ce soupir de mon cœur qui tombe à Vos genoux,

Pour que je ne sois plus que la bonne lumière

Où le petit enfant verra toute la terre !

 

 

Geneviève USAIRE, Au jardin de Peau d’Âne, 1945.

 

 

 

 

 

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