Le jour de rien
Encore une journée qui est finie, Seigneur,
Et qui, toute, ne pèse pas bien lourd en somme,
Puisque je l’ai portée à l’étroit de mon cœur
Sans éprouver la honte ou l’orgueil d’être un homme.
Pourtant c’était un peu de Votre liberté,
Un peu de Votre amour et de toute la vie,
Qui, chaude, m’appelait en elle. Elle est finie
Sans laisser rien de neuf en mon cœur déserté.
Et jamais plus je ne l’aurai devant ma porte
Cette fleur capiteuse et vive d’aujourd’hui ;
Je ne l’ai pas cueillie et ce soir elle est morte,
En son éternité fugace, elle m’a fui.
Or j’ai parmi mes jours beaucoup de jours comme elle :
Vous les aviez donnés et je n’en ai rien fait,
Bouquet d’herbe insipide ou délicate ombelle
Dont le pétale tombe inutile et défait,
Mais parce que ce jour est peu – comme moi-même –
Par ce que j’aurais dû et que je n’ai pas fait,
Et que je viens à Vous juste par ce regret
Ce petit jour de rien, il faut bien que je l’aime. !
Geneviève USAIRE, Au jardin de Peau d’Âne, 1945.