L’anniversaire

 

                                                                         À maman.

 

 

Vingt ans ! quoi ! j’ai vingt ans, ma mère, et les journées

Ont apporté cette heure en jouant avec moi !

Quoi ! de si courts instants ont formé vingt années !

L’adolescence ainsi courut-elle pour toi ?

 

Comme au bruit d’une étrange et charmante nouvelle,

J’ai tremblé ce matin en saluant ce jour ;

Ce jour tout revêtu de grâce solennelle,

Pour m’annoncer vingt ans me réveille à mon tour.

 

Mais toi, dis ? quel penser dans ton cœur vient de naître ?

La surprise ou l’effroi t’ont fait chercher les cieux ;

Tu tremblais. À la fois, soudain j’ai vu paraître

Un sourire à ta lèvre, une larme à tes yeux.

 

La nouvelle t’effraie, ô mère absente et sage !

Tu lis dans l’avenir et ton cœur m’y défend :

Oui, l’avenir est pris, mais qu’importe ? À tout âge

Serai-je pas toujours ta vie et ton enfant !

 

Ne crains pas, j’ai vingt ans, tout s’éveille en mon âme.

Je n’ai pas peur de vivre et ne recule pas.

Dans mon cœur qui bat vite entre une sainte flamme.

Une route sans fin s’ouvre devant mes pas.

 

Va ! je vivrai toujours ! je me sens immortelle !

Et c’est pourquoi je marche en relevant mon front.

Va ! je vivrai toujours ! et la flamme éternelle

Ne s’obscurcira pas sous un terrestre affront.

 

Ne crains pas de me voir commencer le voyage,

Légère de trésor pour payer le bonheur ;

Il viendra sans compter. Le divin héritage

M’a mis l’espoir dans l’âme et la foi dans le cœur.

 

J’entre donc sans trembler dans la grande carrière,

Ma richesse est en moi qui ne peut pas mourir,

Qui se fécondera sous la sainte lumière ;

Mon bonheur est en toi que nul ne peut ravir.

 

J’ai vingt ans ! À vos pieds je me mets tout entière,

Dieu, père de ma mère, et qui l’aimez en moi !

J’ai vingt ans ! Sur ton sein presse-moi la première,

Mère ! mon âme est tienne et s’en retourne à toi.

 

Avant de m’élancer au chemin de la vie,

Laisse-moi prendre haleine un moment dans tes bras.

Mets ta main sur mes yeux, je me sens éblouie :

Le bonheur m’enveloppe et me parle tout bas,

 

Je m’arrête charmée. Oh ! que la vie est belle !

Que Dieu qui fait tout vivre est grand devant mes yeux !

Que je l’aime partout ! que le bonheur fidèle,

Règne bien avec lui dans l’infini des cieux !

 

Non ! je ne tremble pas devant vous, Dieu du monde !

Dieu tendre, Dieu puissant. Je rends grâce à genoux.

J’ai compris vos grandeurs, et d’une amour profonde,

Je répands mon encens et mon cœur devant vous !

 

Après le doux printemps de notre blonde enfance,

Notre été nous arrive et brunit nos cheveux.

Dieu ! vous mettez la force où le travail commence.

Vous vous faites robuste en nous faisant heureux.

 

Oui, plus je vois l’espace et l’immense nature,

Plus je sens la douceur de l’éternel amour ;

Et plus baignant mon cœur à votre source pure,

Mes yeux deviennent froids pour contempler le jour.

 

Ne vous cachez donc plus, ma craintive pensée ;

N’enfermez plus l’essor d’un vouloir frémissant,

Mesurant votre course à ma force oppressée,

Ne craignez plus au loin de devancer l’enfant.

 

Montez ! montez ! ardente et pieuse colombe,

Prêtez une aile libre aux élans de mon cœur !

Traversez les secrets lumineux de la tombe,

Et rapportez d’en haut le secret du bonheur,

 

Levez-vous tout entière et conquérez le monde,

Puisque Dieu le découvre à votre humble regard ;

Parcourez l’univers et revenez féconde,

Des trésors devinés rapportant votre part.

 

Hier un voile épais vous défendait la route,

Hier tout nous disait : ne vous éveillez pas !

Aujourd’hui l’air d’été vous fait libre. J’écoute !

Mon cœur s’attache à vous pour s’élever d’en bas.

 

 

 

Ondine VALMORE.

 

 

 

 

 

 

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