Conseils à un peintre

 

 

Vous nuancerez de mélancolie

les pins les plus bleus ; les ifs les plus noirs,

et, pour rendre l’heure encor plus jolie,

peindrez une dame, en robe du soir.

 

Auprès de la vasque où l’on voit à peine,

par instants, frémir un reflet d’argent,

que deux lévriers au col diligent

suivent les remous de sa longue traîne !

 

Qu’elle ait le front haut, les traits droits et fins,

un air de noblesse et de nonchalance,

autour de ses pas, mettez du silence,

semez des rayons, mêlez des parfums !

 

À ses doigts si fins, attachez des bagues

pesantes, turquoise ou pierre d’ophir,

le béryl étrange et le pur saphir,

dont la couleur triste est pareille aux vagues…

 

Quand vous en serez à peindre ses yeux,

arrêtez, ô peintre, et plaignez ma peine !

Je suis triste, hélas ! et ma plainte est vaine,

Arrêtez, ô peintre, et pensez à Dieu !

 

 

 

G. VAN DER BEKEN.

 

Paru dans le Mercure de France

en novembre 1934.

 

 

 

 

 

 

 

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