Avis aux voyageurs

 

 

Ne montez pas en train sans rêves dans votre valise ;

vous trouverez partout chambres à votre guise.

 

Restez calme et patient auprès de la fenêtre ouverte.

Nul ne sait votre nom ni vos pensées secrètes.

 

Cherchez dans le passé vos yeux naïfs, vos yeux d’enfant

et observez, ravi, rêveur et nonchalant.

 

Tout ce que vous voyez verdir sur ce sol printanier,

soyez certains que c’est pour vous qu’on l’a planté.

 

Laissez abondamment parler les commis voyageurs

du dernier film : Dieu sourit et choisit son heure.

 

Saluez poliment les chefs de gare près des haies ;

sans leur signal, le train ne partirait jamais.

 

Et si le train n’avance pas, mettant en grand danger

votre joie, vos espoirs, vos sous si bien comptés,

 

restez calme et fouillez votre filet à provisions.

Vous découvrirez ce que chaque heure a de bon.

 

Et si le train arrive enfin en un endroit étrange

dont vous ne soupçonniez même pas l’existence,

 

votre but est atteint. Vous apprenez ce qu’un voyage

peut signifier de merveilleux pour un vrai sage.

 

Ne soyez pas surpris surtout si, en longeant des ormes,

un train banal vous mène au cœur même de Rome.

 

 

 

Jan VAN NIJLEN, Code.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie

néerlandaise de Belgique (1830-1966),

choix de textes et traduction par Maurice Carême,

Éditions Aubier-Montaigne, 1967.

 

 

 

 

 

 

 

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