Sursum corda
Ne donne pas ton cœur à ce que voient tes yeux :
Loin des âmes en deuil qui soupirent, plaintives,
Et des noirs horizons qui les tiennent captives,
Gravis la haute cime où le jour brille mieux.
Si tu veux demeurer plein d’espoir et joyeux
Quand l’hiver glacera le sol où tu cultives
Les lis vite effeuillés, les roses fugitives,
Pense aux fleurs de lumière écloses dans les cieux.
Tes plus aimés mourront : mais, si tu vois leurs lèvres
Se clore pour jamais dans l’angoisse et les fièvres,
Songe aux fronts immortels que rien ne peut flétrir.
Nul rire, nul baiser des bouches les plus belles,
Nulle ivresse ne vaut le bonheur de chérir
D’un amour surhumain les choses éternelles.
VÉGA, Légendes et Chansons.
Recueilli dans les Suppléments à l’Anthologie
des poètes français contemporains, 1923.