Hommage d’un homme de guerre

à la Sainte Vierge

 

 

À l’assaut donc ! Allons, mes braves,

Ce mot électrise le cœur.

À l’assaut ! Il n’est plus d’entraves

Qui retiennent votre valeur.

 

Une épaisse et noire fumée

Qui couvre l’une et l’autre armée

Cache aux regards les combattants ;

L’air s’enflamme imprégné de poudre,

Et les éclats seuls de la foudre

Dominent les cris des mourants.

 

Ô choc affreux, épouvantable,

Plein d’angoisses et de terreurs !

C’est la guerre, horrible, implacable,

Déchaînant toutes ses fureurs.

Sur ce vaste champ de bataille

La bombe, l’obus, la mitraille

Creusent d’effroyables sillons ;

L’avide Mort choisit sa proie,

Angleterre, France et Savoie,

Parmi vos plus fiers bataillons.

 

L’attaque cède à la défense ;

C’est une lutte de géants.

On marche, on recule, on avance,

Le triomphe reste en suspens.

On ne combat plus qu’avec rage ;

Tout ce qui survit au carnage

S’épuise en efforts inouïs...

Quand soudain, éclatant miracle,

Le plus admirable spectacle

Vient s’offrir aux yeux éblouis.

 

Eh quoi ! c’est la Reine des anges,

C’est Marie, au front radieux,

Qui des invincibles phalanges

Dirige l’essor dans les cieux.

Oui, c’est la Vierge immaculée ;

Elle préside à la mêlée,

Nous prêtant son appui divin ;

Sa voix nous guide, nous protège,

Annonce le terme du siège,

Et nous indique le chemin.

 

Sur la plus haute citadelle

De l’inexpugnable cité,

L’Aigle aux ailes d’or étincelle,

Le drapeau français a flotté ;

Le Russe, en ce péril extrême,

En vain tente un effort suprême,

Que redouble le désespoir ;

Sa fureur expire inutile,

Malakoff est à nous ! La ville

Va tomber en notre pouvoir.

 

Mais, avec le jour qui décline,

Cesse ce combat plein d’horreurs ;

Tout à coup le ciel s’illumine,

Reflétant de sombres lueurs :

C’est l’ennemi qui met en cendre

Les murs qu’il ne peut plus défendre

Et dont il a miné le sol ;

Tout s’embrase dans les ténèbres,

Et ce sont les adieux funèbres

Qu’il adresse à Sébastopol.

 

Ô Marie, ô Vierge sans tache !

Ce grand succès n’est dû qu’à toi ;

Ton nom tout entier s’y rattache,

Comme un triomphe de la foi !

N’est-ce pas sous ton patronage,

Fortifiant notre courage,

Que nos armes l’ont remporté ?

Puisque nous avons, Vierge sainte,

Choisi pour combattre sans crainte

Le jour de ta Nativité.

Aussi quel concert unanime

De louanges en ton honneur !

On vante ta bonté sublime,

On bénit ton bras protecteur.

Pénétré de reconnaissance

Envers ta divine influence,

L’empereur lui-même a promis,

Notre-Dame de la Victoire,

De consacrer à ta mémoire

Le fer des canons ennemis.

 

 

 

Général Charles VERGÉ, 8 septembre 1855.

 

Recueilli dans Bouquet à l’Immaculée,

Éditions Saint-Jean, 2004.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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