Noël

 

 

Petit Jésus qu’il nous faut être,

Si nous voulons voir Dieu le Père,

Accordez-nous d’alors renaître

 

En purs bébés, nus, sans repaire

Qu’une étable, et sans compagnie

Qu’un âne et qu’un bœuf, humble paire ;

 

D’avoir l’ignorance infinie

Et l’immense toute-faiblesse

Par quoi l’humble enfance est bénie ;

 

De n’agir sans qu’un rien ne blesse

Notre chair pourtant innocente

Encor même d’une caresse,

 

Sans que notre œil chétif ne sente

Douloureusement l’éclat même

De l’aube à peine pâlissante,

 

Du soir venant, lueur suprême,

Sans éprouver aucune envie

Que d’un long sommeil tiède et blême...

 

En purs bébés que l’âpre vie

Destine – pour quel but sévère

Ou bienheureux ? – foule asservie

 

Ou troupe libre, à quel calvaire ?

 

 

 

Paul VERLAINE, Sagesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

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