Tendresses décloses

 

 

Mon âme, c’est fini d’étouffer vos tendresses,

D’égrener à vos pas de trop frêles chansons ;

Fini de chanceler au chemin qui vous blesse.

J’étais l’épi fragile, et je suis la moisson,

Au rouet du passé j’ai dévidé mes peines.

Mes soupirs n’ont plus peur ni des jours ni des nuits ;

Des rayons de plaisir vont couler dans mes veines,

Plus chauds que des oiseaux en boules dans leurs nids ;

Le silence à mes doigts pesait comme une amphore ;

Voici qu’un vin de joie inonde mon cœur nu.

Je suis neuve, je suis une pâque, une aurore,

Je suis un grand délire, et puis je ne sais plus,

Non, je ne sais plus bien les paroles à dire !

Tout recouvre la voix timide de mon cœur.

J’ai si longtemps souffert et je dus tant sourire,

Folle d’orgueil et folle aussi de ma douleur,

Je souffrais ! Je croyais, mon Dieu, que c’était vivre,

Que c’était là ma part, et je ne tremblais pas.

Sans songer à dresser le cri sourd qui délivre,

J’ai de pleurs arrosé le vin de mon repas.

Qu’importe maintenant, si je ne dois plus taire

Le rêve qui luttait sous ma tempe, le soir !

Tous les renoncements qui font haïr la terre

Vont crever dans mes mains comme des raisins noirs.

Ô très cher, je serai ton amante immortelle ;

D’impérieux destins ont jumelé nos pas,

Et, maintenant, mes mains peuvent comme des ailes

Se poser sur ma chair et délier mes bras.

 

 

 

Medjé VÉZINA.

 

Recueilli dans Feuilles d’érable, fleurs de lys,

anthologie de la poésie canadienne-française

établie et présentée par Pierre Cabiac,

Éditions de la diaspora française, 1966.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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