Cantique

 

 

Ô Dieu qui fis les fleurs, l’eau chaste, la nuit claire,

Et l’aube foisonnante et le soir triomphant,

Dieu que la terre adore et qui daignes te plaire

Aux refrains du vieillard et du petit enfant.

 

Toi qui fais sous ton porche entrer les hirondelles,

Seigneur miraculeux et doux, maître indulgent

Qui jettes l’espérance au cœur de tes fidèles

Comme une rose pourpre au ruisselet d’argent,

 

Notre Sœur l’alouette, au lever de l’aurore

Te salue et son cri plane au dessus des bois,

Quand vient le soir paisible, elle t’appelle encore ;

Rends-nous simples comme elle, et prête-nous sa voix.

 

Mon Dieu, nous ressemblons à la graine qui vole

Dans l’aire ténébreuse où l’on bat le froment :

Nous sommes le roseau, nous sommes l’herbe folle

Que les bœufs de labour écrasent méchamment.

 

Garde-nous du serpent à la langue dorée ;

Berger compatissant, souviens-toi que jadis

Tu guidais au bercail la brebis égarée ;

Permets que les chanteurs aient place au paradis.

 

Et vous dont le printemps en fleur dit les louanges,

Vous qui nous souriez dans les feux de l’été,

Reine de l’univers et maîtresse des anges,

Ô vierge gracieuse, ô dame de beauté,

 

Étoile de la mer, vase pur, tour d’ivoire,

Vous qui venez à nous sur les ailes du vent,

Vous, la source d’eau vive où les âmes vont boire,

Vous, la nue éclatante et le soleil levant,

 

Dans le bleu du matin tourterelle envolée,

Lis de candeur éclos dans le jardin des cieux,

Soutiens de l’innocent, Marie immaculée,

Laissez tomber sur nous un regard de vos yeux.

 

Vos pieds blancs sont posés sur l’océan qui gronde,

Votre front resplendit par delà le couchant.

Mais vous prenez pitié des misères du monde,

Et du rossignolet vous écoutez le chant.

 

Faites que nous gardions gaîment votre bannière

Et que, bons serviteurs fatigués de lutter,

Nous entendions encore à notre heure dernière,

Au clocher du village un Angélus tinter.

 

Cette musique est douce à l’orphelin qui pleure,

Douce à la nuit qui tombe et douce au point du jour.

Elle nous conduira vers la claire demeure

Où fleurit le rosier de l’éternel Amour.

 

Heureux si de bien loin, suivant les saints apôtres,

Parmi l’or et l’azur du royaume enchanté,

Nous pouvons, dans la paix promise à tous les vôtres,

Adorer à jamais votre virginité !

 

 

Gabriel VICAIRE.

 

Paru dans La Sylphide en 1897.

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net