Lever de lune

 

 

Le soir tombe au parterre des cieux,

Entre le lys et la renoncule,

Et les violons du crépuscule

Soupirent un air délicieux.

 

Ah ! les violons du soir qui tombe,

Qu’ont-ils à pleurer si tendrement ?

C’est comme l’aveu d’un cœur aimant

Ou l’adieu léger de la colombe.

 

Célèbrent-ils l’amoureux souci

D’un papillon bleu fou d’une rose ?

On n’en sait rien. Mais c’est quelque chose

Qui fait, ô mon Dieu, qu’on pleure aussi.

 

Et voici venir la nuit très douce,

La mystérieuse et sombre nuit.

Ses pieds délicats glissent sans bruit

Sur les blancs tapis de fine mousse.

 

Les violons pleurent au jardin

Comme au convoi d’une jeune morte ;

Le palais féerique ouvre sa porte,

La jeune Lune apparaît soudain.

 

Sous son vêtement de blanche hermine

La Lune apparaît en sa beauté ;

Au doux appel du cor enchanté

Tout le ciel fleurit et s’illumine.

 

Lys et liserons et lilas blancs

Frissonnent d’amour dans la lumière :

Les roses jouent à qui la première

Saluera la reine aux yeux dolents.

 

Elle cependant, que rien ne touche,

Descend lentement l’escalier d’or.

Elle écoute au loin mourir le cor,

Puis elle passe, un doigt sur la bouche.

 

 

Gabriel VICAIRE.

 

Paru dans Psyché en 1892.

 

 

 

 

 

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