Heureux message

 

 

Depuis longtemps on attendait

L’enfant promis, qu’on demandait

Avec ardeur au divin Maître.

Un télégramme arrive enfin,

Annonçant un blanc séraphin ;

Un ange entre par la fenêtre.

 

Et, doucement, bien doucement,

Sur le lit, près de la maman,

Qui tout haut sanglote de joie,

Dans un léger pli de rideau

L’ange dépose son fardeau,

Disant simplement : « Dieu l’envoie ! »

 

Chacun donne son petit soin

Au bébé qui vient de si loin !

Vite on défait son maillot rose,

Et tout le jour, sans se lasser,

Tout le monde vient embrasser

Une fillette à peine éclose.

 

C’est d’abord le père, joyeux,

Qui baise et rebaise ses yeux

Bleus comme la céleste voûte,

Son front mignon, son petit nez,

Et ses gentils pieds étonnés,

Tous bleuis par la longue route.

 

C’est ensuite la grand-maman,

Si fière de l’événement,

Qu’elle étonne presque la mère !

Elle a pris l’enfant sur son sein,

Tout doucement, mais à dessein,

Comme on embrasse une chimère.

 

Je ne dirai point les baisers

Que la maman a déposés

Sur la mignonnette sans voiles ;

Juin met moins de fleurs aux buissons,

Les grands bois ont moins de chansons,

Les deux profonds ont moins d’étoiles.

 

Le Messager ? Plus rien, trop tard !

Craignant de se mettre en retard,

Le Séraphin, à tire-d’aile,

En louant et bénissant Dieu,

A gagné, dans le lointain bleu,

Le seuil des clartés éternelles.

 

 

 

J.-B. VINCE.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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