L’orage

 

 

L’oiseau vole en rasant la terre ;

Le ciel est noir, le temps est lourd ;

On entend déjà le tonnerre

Qui s’avance avec un bruit sourd.

 

L’orage s’étend sur la plaine.

Tiens ! vois ! tout éclate là-bas

Comme quand je carde ma laine.

Ce nuage ne me plaît pas.

 

Dieu nous garde ! il est notre maître.

Comme ça tombe ! il pleut à seau.

Va vite fermer la fenêtre

Et regarder dans le berceau.

 

On sonne ; allons, cloche et tonnerre,

Nous allons tous devenir sourds.

Dieu ! quel éclat ! l’arbre est à terre.....

Tiens ! le petit qui dort toujours.

 

Il dort ; il rit à son bon ange ;

Il dit : Qu’importe ce fracas !

Je n’y suis pour rien. Qu’on s’arrange.

Il étire ses petits bras.

 

Vois cette foudre qui sillonne.

Tout est perdu, je le crains bien.

Adieu les si beaux fruits d’automne !

Cet été ne lui laisse rien.

 

L’eau roule du toit de l’église ;

Le ruisseau croît devant chez nous.

Il faut prier ; quoi qu’on en dise,

Dieu s’apaise dans son courroux.

 

Et le petit qui dort encore !

La grêle ne l’agite pas.

Quand on est grand l’ennui dévore ;

Mais, lui ! ça vit sans embarras.

 

Dieu nous donne une âme tranquille,

Un cœur pur, un espoir serein,

Un esprit droit, simple et docile !

Dieu connaît bien notre destin.

 

Tiens ! c’est drôle, où donc est l’orage ?

Le soleil rit dans un ciel bleu.

Mais plus d’épis ! et c’est dommage !

Peut-être en reste-t-il un peu.

 

Sacristi, le petit s’éveille !

Vois, petiot, il vient d’en donner !

Il rit en se grattant l’oreille.

Donne-lui vite à déjeuner.

 

 

 

Aimé VINGTRINIER.

 

Paru dans la Revue du Lyonnais en 1867.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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