Jardin céleste

 

 

Il est, pour notre espoir, un jardin merveilleux...

Quel azur, près duquel pâlissent tous les bleus,

Tant, dans sa douceur même, il contient de lumière,

Et qu’en lui, si profond, le vol de la prière

Peut, sans se perdre, aller à travers l’infini,

Y rayonne !... Ô jardin ineffable, béni !

Si parfumés qu’ils soient, terrestres sont les nôtres.

Mais celui-ci !... Ces pas ? Ce sont ceux des apôtres,

Des saints et des martyrs, qui, tous s’agenouillant,

Sont venus là, combien le corps broyé, sanglant,

Dont le cœur transpercé chantait, source vermeille...

Ce jardin n’a pourtant, et voici la merveille,

Qu’une rose et qu’un lis. Mais quelle rose ! Rien –

Pas même à l’orient, calice aérien

Qui prouve à tous les yeux qu’un beau jour vient d’éclore,

L’épanouissement glorieux de l’aurore

Pour sève ayant la pourpre ardente du soleil, –

Rien ne peut l’égaler... Et quel lis sans pareil !

Toute blancheur auprès de lui semble livide,

Il se dresse en la paix d’un triomphe candide,

Et la nuit la plus sombre, en le voyant, pâlit,

Noir velours sous des flots d’argent enseveli.

C’est un pur étendard déployé sur sa hampe.

Le pistil d’or évoque une flamme de lampe

Ayant pour voile des pétales transparents.

Si douce qu’elle soit, les flambeaux conquérants,

Dont l’orgueil rouge éclate en un royal cortège,

Se courbent devant elle. Une indicible neige,

Telle qu’il n’en est point sur les plus hauts sommets,

Étincelle en son cœur, sans se fondre jamais.

 

Qui chante à pure voix ? Chardonnerets, mésanges,

Rossignols, printaniers virtuoses ?... Des anges,

Qui, leur luth sous les doigts, s’élevant dans les cieux,

Célèbrent ta beauté, jardin délicieux...

 

Et la rose sans fin règne, surnaturelle.

Des siècles de saisons pourront passer sur elle

– Ou plutôt à ses pieds, – et, brûlant ou glacé,

– Que de jardins flétris, quand il vient de passer ! –

 

Le vent peut s’acharner ; de cette fleur sans tache,

Un pétale jamais ne tremble et se détache.

Quand il souffle, le lis s’épanouit plus haut

Et boit l’azur en son calice sans défaut.

Lui, que nul des hivers de la terre ne fane,

Se penche doucement lorsqu’un chérubin plane,

Puis s’incline, céleste et vibrant messager

Qui lui porte les vœux dont un cœur l’a chargé...

 

Cette rose, c’est vous, Marie, en ce royaume

Sans frontières du ciel. Comme elle nous embaume

Et nous console ! nous qui, plaintifs, gémissons

Lorsque à peine nous ont écorchés les buissons.

Ah ! que ne pensons-nous aux blessures divines...

Et la rose mystique a pourtant ses épines ;

Mais elles n’ont blessé qu’elle-même, laissant

Sur la terre couler, sève pure, son sang

Qui ruisselle toujours pour nous, source de grâce,

Et se mêle à celui de la croix qu’elle embrasse...

Vierge toute blancheur, en votre éternité

Vous fleurissez pour nous, lis de la Trinité...

 

Tous, en foule, venez vers le jardin céleste,

Infirmes, affligés, souffrants ! Que nul ne reste

En arrière. Certains auront le pas plus leste,

Et d’autres sentiront leurs larmes se tarir.

Combien verront soudain leur espoir refleurir !...

 

Vers la Vierge accourez, souffrants de toute sorte,

Surtout les malheureux dont l’âme paraît morte

Tant, en elle, ont coulé les flots noirs du péché !

Sur eux, si ténébreux, le lis va se pencher,

Et la rose, sept fois de son sang arrosée,

Les purifier avec son parfum... Pour rosée,

Que demandent le lis et la rose sans prix,

Afin que de ceux-là tous les maux soient guéris,

Que ceux-ci, par la foi, consolent leur misère ?

Que l’on égrène, au seuil du jardin, le rosaire.

 

 

 

Gabriel VOLLAND.

 

Paru dans la revue Le Noël

en mai 1938.

 

 

 

 

 

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