Le mal du pays

 

 

Où s’en va le soupir de mon sein agité ?

Ô mon cœur ! Où s’en va ta voix suppliante ?

                Étranger sur le rivage désert,

                Je sens en moi un désir,

                Un désir si ardent !

Au-delà des mers, ô partir vers un monde inconnu !

 

À profusion de bien comme de mal j’ai pu

Cueillir les fruits de l’arbre du savoir.

Je vois comment les jours s’écoulent

                Pareils aux vagues qui se suivent

                Et meurent sur la grève

Avec un même son lourdement répété.

 

J’ai entendu des cris de joie et de douleur,

J’ai écouté leur vieille mélodie,

Celle que tous nous connaissons.

                Leur voix est la même,

                Rien que des variantes

Où les mortels parfois trouvent un passe-temps.

 

En été, la terre se vêt comme une fiancée,

En hiver, elle prend le voile de deuil.

C’est ce qu’elle a fait, c’est ce qu’elle fait :

                Pleurant en automne,

                Mais dès le printemps

Essuyant ses larmes dans sa joie d’enfant.

 

Récoltes et ravages alternent sur sa face.

Les sages ont parlé dans des termes pompeux

De liberté, de vertu, d’âge d’or.

                Ils ont porté leur flambeau

                À la face des rois

Qui de fatigue ont signé une paix éternelle.

 

 

Et tous les habitants de cette île du monde,

Je sais comment ils naissent, et je sais comme ils meurent,

Quel est le bruit qu’ils font, et quelle est leur fureur.

                Une ronde de moucherons

                Voltigeant au soleil,

Jusqu’à ce que la nuit calme accords et discordes.

 

 

Maintenant je dépose mon bâton de pèlerin,

Je regarde la mer douce et semée d’étoiles,

Et dès lors je ne puis arracher mes regards

                De vous, îles brillantes,

                Îles d’azur dans la lumière,

Quand la lumière déjà nous a quittés.

 

Ô laissez-moi suivre votre flambeau !

Je n’ai plus de plaisir à ce monde, le mien.

Mon souffle n’est pas libre en cette humide rive.

                Je sens en moi un désir,

                Un désir si ardent !

Au-delà des mers, ô partir vers un monde inconnu !

 

 

 

 

Johan Olof WALLIN.

 

Traduit du suédois par Jean-Clarence Lambert.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise, Seuil, 1971.

 

 

 

 

 

 

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